Précisions quant à la contrepartie dont doit faire l’objet le dépassement du temps de trajet habituel du salarié

(Cour de cassation, chambre sociale, 30 mars 2022 n°20-15.022)

Pour rappel, le temps de trajet entre le domicile du salarié et le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas considéré comme du temps de travail effectif et ne fait donc l’objet d’aucune rémunération.

Toutefois, si le temps de déplacement dépasse le temps de trajet habituel du salarié, il doit faire l’objet d’une contrepartie accordée soit sous forme de repos soit sous forme financière, telle que prévue par l’article L. 3121-4 du code du travail.

Dans cette affaire, il était question d’une contrepartie qui était versée en cas de dépassement des temps de déplacement considérés comme « normaux » par l’employeur. Ces temps « normaux » étant particulièrement élevés, cela ne permettait qu’à peu de salariés de bénéficier de cette contrepartie.

La Cour de cassation va rappeler dans cette décision que les juges du fond sont habilités à apprécier le caractère suffisant de la contrepartie fixée par l’employeur.

En l’espèce, les contreparties sous forme financière fixées unilatéralement par l’employeur méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions légales du code du travail. Selon la Haute Juridiction, en cas de constat par les juges du fond du caractère dérisoire d’une contrepartie, ceux-ci sont habilités à ordonner à l’employeur de mettre en place un nouveau système de contrepartie conforme aux temps de trajet réellement effectués par les salariés.

 

Elections professionnelles : l’obligation de neutralité de l’employeur

(Cour de cassation, chambre sociale, 18 mai 2022, n°20-21.529)

Pour rappel, l’obligation de neutralité de l’employeur durant la période électorale résulte des dispositions du code du travail (article L. 2141-7 du code dudit code). C’est une composante essentielle du principe général du droit électoral dont la violation emporte l’annulation des élections, indépendamment de leur influence sur le résultat de celles-ci.

Ainsi, l’employeur ne doit pas favoriser une organisation syndicale au détriment d’une autre par quelque moyen de pression que ce soit, direct ou indirect.

A titre d’exemple, la Cour de cassation a déjà considéré que l’inertie de l’employeur face à un syndicat utilisant la messagerie du CSE à des fins de propagande électorale caractérisait une violation à son obligation de neutralité justifiant l’annulation des élections professionnelles (cass. soc. 27 mai 2020, n°19-15.105).

Toutefois, il appartient à celui qui invoque la violation par l’employeur de cette obligation légale d’en rapporter la preuve (cass. soc., 18 mai 2022, n°20-21.529).

Dans cette affaire, l’employeur avait :

  • accepté la liste d’une organisation syndicale remise en main propre le dernier jour du délai de dépôt ;
  • refusé la liste de candidat déposée par une organisation syndicale par courriel après l’heure fixée par le protocole d’accord préélectoral.

L’organisation syndicale dont la liste a été refusée a saisi le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections professionnelle en raison de la méconnaissance par l’employeur de son obligation de neutralité.

Retenant le manquement de l’employeur, le tribunal judiciaire a fait droit à la demande d’annulation des élections du syndicat compte tenu de l’absence de justification de l’employeur du respect de son obligation de neutralité.

Contestant cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation.

Aux termes de son arrêt, la Cour de cassation a désapprouvé le juge du fond considérant qu’en statuant ainsi, il avait d’une part inversé la charge de la preuve, et d’autre part, n’avait pas caractérisé le manquement de l’employeur à son obligation de neutralité.

Or, comme le rappelle la Haute Juridiction, il appartient au syndicat agissant dans le cadre d’une contestation des élections professionnelles de rapporter la preuve de la violation par l’employeur de son obligation de neutralité.

 

Le vote électronique : attention à ce que tous les électeurs puissent voter !

(Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2022, n°20-22.860)

Pour rappel, Il est possible de recourir au vote électronique par accord d’entreprise ou de groupe, ou à défaut d’accord, par décision unilatérale (articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail).

La conception et la mise en place du système de vote électronique peuvent être confiées à un prestataire choisi par l’employeur sur la base d’un cahier des charges conforme aux dispositions réglementaires.

Le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises, notamment celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes (article R. 2314-6 du code du travail).

La Cour de cassation, dans cette affaire du 1er juin dernier, va apporter des garanties supplémentaires dans le cadre des élections professionnelles du CSE.

Dans cette affaire, les salariés avaient eu de nombreuses difficultés à se connecter à la plateforme de vote électronique, la Direction ayant refusé de leur mettre à disposition un ordinateur au sein de l’entreprise, et les salariés ne disposant pas d’ordinateur personnel à leur domicile.

Selon l’employeur, tout salarié est réputé à même d’avoir accès aux moyens techniques élémentaires permettant l’expression du vote par voie électronique.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis, et considère que l’entreprise n’a pas pris les précautions appropriées pour que tous les salariés puissent disposer du matériel nécessaire. Elle estime qu’il y a une atteinte au principe général d’égalité face au droit de vote qui justifie l’annulation du scrutin.