L’appréciation des difficultés économiques par le juge
(Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2022, n°20-18.511)
L’article L. 1233-3 du code du travail relatif aux licenciements économiques fixe des critères objectifs qui permettent de définir les difficultés économiques justifiant un licenciement économique.
Le texte rappelle que les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique (baisse des commandes, baisse du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, dégradation de la trésorerie) ou par tout élément de nature à justifier ces difficultés.
Dans cette affaire, une entreprise a engagé des licenciements économiques collectifs, en invoquant les difficultés économiques suivantes :
- Baisse significative des commandes et du chiffre d’affaires ;
- Pertes structurelles conséquentes sur les 4 dernières années, avec endettement s’élevant à 7.5 millions d’euros ;
- Des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social.
Un salarié concerné par le licenciement économique va réaliser une action prud’homale en contestant le bien-fondé de la rupture.
La cour d’appel de Colmar donne raison au salarié et retient que l’employeur n’apporte pas la preuve d’une baisse des commandes et/ou du chiffre d’affaires sur trois trimestres consécutifs, incluant le trimestre au cours duquel la rupture du contrat du salarié a été notifiée.
La cour d’appel en déduit donc que l’employeur n’a pas apporté une preuve suffisante des difficultés économiques, et que par conséquent le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation va casser l’arrêt d’appel, et considère qu’il n’est pas possible d’invalider un licenciement au motif qu’un seul des indicateurs économiques n’est pas établi.
En effet, la Haute Juridiction rappelle que les juges du fond auraient dû rechercher si les autres indicateurs économiques listés à l’article L. 1233-3 du code du travail permettaient de caractériser ou non des difficultés économiques.
Les conditions pour modifier à la dernière minute l’ordre du jour d’une réunion du CSE central
(Cour de cassation, chambre criminelle, 13 septembre 2022, n°21-83914)
La question qui était posée à la Cour de cassation était la suivante : le mandat donné à son secrétaire par le comité central d’entreprise (CCE-devenu le CSE central avec la mise en place du CSE) pour ester en justice pour délit d’entrave est-il valable alors que le point a été ajouté en début de séance à l’ordre du jour de la réunion et est sans lien avec celles figurant dans cet ordre du jour initial ?
La Cour répond oui mais sous conditions.
En l’espèce, le CCE d’une entreprise avait poursuivi cette dernière devant le tribunal correctionnel pour entrave à son fonctionnement. L’entreprise avait invoqué l’irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité. La délibération autorisant son secrétaire à agir en justice du chef d’entrave n’était pas valable pour l’entreprise.
Le tribunal correctionnel puis la cour d’appel ayant rejeté les demandes de l’entreprise liées à cette irrecevabilité, celle-ci avait formé un pourvoi en cassation.
L’entreprise faisait valoir qu’est » irrégulière la délibération par laquelle le comité donne mandat à son secrétaire d’exercer des poursuites pour entrave à son fonctionnement lorsque cette délibération n’a pas été préalablement inscrite à l’ordre du jour de la réunion et ne présente aucun lien avec les questions devant être débattues, de telle sorte que les membres titulaires absents sont privés de toute possibilité de s’exprimer sur ce sujet ».
En l’espèce, l’ordre du jour de la réunion au cours de laquelle le secrétaire avait reçu du CCE mandat d’agir en justice ne mentionnait pas le point, qui avait été ajouté en début de séance à la demande du secrétaire.
Le pourvoi de la société est rejeté. En effet, lors de la réunion du CCE, le secrétaire était intervenu en début de séance pour solliciter l’ajout d’un point à l’ordre du jour intitulé « vote d’un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave ». Cet ajout avait été adopté à l’unanimité des membres présents et sans objection.
Pour la Cour, le délai de 8 jours prévu, par le code du travail, pour la transmission de l’ordre du jour pour les réunions du CCE est prévu dans l’intérêt de ses membres. Il peut être écarté si les membres du comité sont d’accord. Cette solution pourrait s’appliquer à d’autres questions que les mandats donnés pour agir en justice.
Prise à propos du CCE, la solution est transposable au comité social et économique central d’entreprise.
Une question demeure : cette décision est-elle applicable au CSE d’entreprise et au CSE d’établissement ? Nous pouvons le penser. Mais une confirmation de la Cour de cassation serait la bienvenue.
Détention d’un diplôme et égalité de traitement
(Cour de cassation, chambre sociale, 14 septembre 2022, n° 21-12.175)
Dans un arrêt du 14 septembre dernier, les juges ont rappelé que la seule différence de diplômes ne permet pas de justifier une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes missions sauf si l’employeur prouve que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice du poste occupé.
En l’espèce, une salariée licenciée après 25 ans d’ancienneté saisit les tribunaux afin de contester son licenciement. A l’occasion de cette action, elle conteste sa classification en invoquant une atteinte au principe d’égalité de traitement. Une de ses collègues bénéficiait d’un positionnement supérieur au sien alors qu’elle occupait le même poste.
L’employeur justifiait cette différence par le fait que la collègue en question avait un diplôme.
Pour la salariée, la détention du diplôme en question n’attestait pas de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée.
La cour d’appel rejette la demande de la salariée. En revanche, la Cour de cassation fait droit à sa demande.
La Cour rappelle qu’en vertu du principe d’égalité de traitement, « la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée ».
La Cour de cassation souligne que l’employeur n’avait pas démontré que le diplôme attestait de connaissances particulières utiles à l’exercice des fonctions occupées.