La désignation d’un adhérent comme DS ? Possible, si tous les candidats de la liste syndicale ayant obtenus au moins 10% des suffrages exprimés, renoncent au titre 

(Cour de cassation, chambre sociale, 5 avril 2023, n° 21-24.752)

Si tous les candidats ayant obtenu aux moins 10% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles renoncent à être désignés délégué syndical, alors dans ce cas l’organisation syndicale représentative peut valablement désigner comme délégué syndical, un de ses adhérents. C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril dernier.

Dans cette affaire, un syndicat reconnu représentatif aux dernières élections professionnelles désigne un de ses adhérents comme délégué syndical. Contestant ce choix, la société décide de saisir le tribunal judiciaire afin de demander l’annulation de la désignation litigieuse au motif que selon le deuxième alinéa de l’article L. 2143-3 du code du travail, si tous les candidats de l’organisation syndicale ayant obtenu au moins 10% des suffrages renoncent à être désignés délégué syndical, alors le syndicat doit choisir son représentant parmi ses autres candidats, c’est-à-dire ceux qui ont obtenu moins de 10% des suffrages exprimés aux dernières élections du CSE. Ce n’est qu’à défaut, si le syndicat n’arrive pas à désigner son délégué syndical parmi les candidats qu’il a présenté, qu’il aurait la possibilité de le désigner parmi ses adhérents.

Or, en l’espèce, si tous les candidats de l’organisation syndicale ayant obtenu 10% des suffrages ont bien renoncé officiellement par écrit au titre de délégué syndical, ce n’était pas le cas pour ceux qui n’avaient pas obtenu les 10%.

Cette argumentation est rejetée par les juges de la Haute Cour. En effet, ces derniers rappellent que, si l’alinéa premier de l’article L. 2143-3 du code du travail rend obligatoire pour une organisation syndicale de désigner, en premier lieu, son délégué syndical parmi ses candidats ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections au CSE ; le second alinéa de l’article, permet au syndicat de désigner, à défaut, son délégué syndical parmi ses autres candidats ou parmi ses adhérents ou encore parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au CSE.

Ainsi, la Cour de cassation en déduit que la renonciation exigée est celle des candidats présentés par l’organisation syndicale ayant obtenu au moins 10% des suffrages. Dès lors, à partir du moment où ces derniers ont tous renoncé par écrit à être désignés délégué syndical, le syndicat peut valablement, sans préférence, choisir son délégué parmi ses autres candidats ou parmi ses adhérents.

Les préconisations du médecin du travail dans le cadre de l’inaptitude

(Cour de cassation, chambre sociale, 29 mars 2023, n°21-15.472)

Dans le cadre d’une inaptitude déclarée par le médecin du travail, l’employeur est soumis à une obligation de reclassement à l’égard du salarié inapte.

Légalement, l’employeur est tenu de respecter les conclusions écrites et les indications du médecin du travail concernant les capacités du salarié à exercer une activité dans l’entreprise. La jurisprudence considère même qu’en l’absence de préconisation du médecin du travail, c’est à l’employeur de solliciter le médecin en vue de l’accompagner dans le cadre du reclassement du salarié inapte (Cour de cassation, chambre sociale, 5 décembre 2001, n°99-40.126).

Tout en respectant les préconisations du médecin du travail, l’employeur doit proposer au salarié un emploi aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé (articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail).

Dans cette affaire du 29 mars dernier, une salariée a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail. Ce dernier précise dans l’avis d’inaptitude que la salariée peut continuer une activité professionnelle sans déplacement, à temps partiel et en télétravail. La salariée a par la suite été licenciée, faute de reclassement possible.

La salariée conteste son licenciement en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement. La Cour d’appel fait droit à sa demande, ce que conteste l’employeur.

Selon ce dernier, aucun poste en télétravail n’existait au sein de l’entreprise. Par ailleurs, compte tenu de la nature de l’activité qui requiert le respect du secret médical, l’employeur considère qu’aucun poste n’est compatible avec le télétravail.

La Cour de cassation va rappeler le principe selon lequel, l’employeur doit proposer au salarié inapte un autre emploi, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail. La Haute Juridiction considère que l’avis du médecin du travail est sans équivoque : la salariée devait être reclassée sur un poste à temps partiel, intégralement en télétravail et sans déplacement. Or, la salariée qui occupait un poste de coordinatrice au moment de la déclaration d’inaptitude pouvait tout à fait continuer son activité à distance, à temps partiel, sans accès aux dossiers médicaux.

La Cour de cassation juge donc que l’employeur n’a à aucun moment justifié du sérieux de ses recherches de reclassement. A ce titre, le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse.

Interdiction de mettre en œuvre un accord de rupture conventionnelle collective dans le cadre d’une cessation d’activité

(Conseil d’Etat, 21 mars 2023, n°459626)

Pour rappel, la rupture conventionnelle collective est un dispositif pouvant être mis en place par accord collectif, afin d’envisager une réduction des effectifs en dehors de tout licenciement et sans justifier de difficultés économiques (articles L. 1237-19 et suivants du code du travail).

Dans une décision du 21 mars 2023, le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur la validation par l’autorité administrative d’un accord portant sur une rupture conventionnelle collective. Dans cette affaire, la DREETS avait validé un accord d’entreprise majoritaire relatif à une rupture conventionnelle collective concernant la fermeture d’un établissement employant 33 salariés. Un syndicat non-signataire de l’accord a contesté la validité de cet accord devant le juge administratif.

En première instance, le juge administratif a rejeté la demande du syndicat non-signataire au motif que l’accord prévoyait qu’aucun licenciement n’interviendrait durant la période d’application de l’accord. Par conséquent, les salariés décidant de ne pas adhérer à la rupture conventionnelle collective ne seraient pas licenciés pendant cette période. Au regard de l’autorité administrative ayant validé l’accord collectif et au regard du juge administratif, la rupture conventionnelle collective était donc exclusive de tout licenciement comme l’exige la loi.

Le Conseil d’Etat va néanmoins donner raison au syndicat non-signataire. Selon lui, en raison de la cessation totale d’activité de l’établissement, les salariés concernés n’étaient pas en mesure de faire un réel choix entre l’adhésion au dispositif de rupture conventionnelle collective et le maintien dans leur emploi.

Le Conseil d’Etat va rappeler que s’il est possible de mettre en place un tel dispositif dans un contexte de difficultés économiques, il va pour la première fois poser le principe suivant : la suppression de l’intégralité des emplois d’un site exclut le recours à la rupture conventionnelle collective. En effet, dans un tel contexte de fermeture d’un établissement, aucun choix n’est réellement laissé aux salariés concernés ; la cessation d’activité conduisant à imposer une rupture à tous les salariés.