Le temps de trajet entre un hôtel et le lieu de travail n’est pas nécessairement du temps de travail effectif
(Cour de cassation, chambre sociale, 7 juin 2023, n° 21-22.445)
Les juges considèrent en principe, que le temps passé entre deux lieux de travail constitue du temps de travail effectif. Il doit donc être rémunéré comme tel.
Pour autant, tous les temps de trajet réalisés durant un déplacement professionnel doivent-ils être considérés comme du temps de trajet entre deux lieux de travail ? Pour la Cour de cassation, la réponse est négative. Dans cet arrêt du 7 juin 2023, elle énonce que les juges du fond doivent vérifier, in concreto, si les trajets litigieux correspondent à la définition de l’article L.3121-1 du code du travail concernant le temps de travail effectif.
En l’espèce, le salarié a saisi la juridiction prud’hommale afin d’obtenir le paiement d’un rappel de salaire. En effet, il considère que lorsqu’il est en déplacement professionnel, le temps de trajet entre son hôtel et les différentes concessions qu’il doit visiter dans le cadre de son emploi, devrait être considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel.
Les conseillers d’appel donnent raison au salarié en considérant que les déplacements effectués, sans retour possible à son domicile, étaient exigés par l’organisation du travail selon des plannings déterminés par l’employeur, ce qui plaçait le salarié dans une situation où il restait à la disposition de l’entreprise. Par conséquent, ces temps de trajet étaient des déplacements entre deux lieux de travail et devaient donc être assimilés à du temps de travail effectif.
Contestant le raisonnement de la Cour d’appel, la Haute Cour casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L.3121-1 du code du travail. En effet, la Cour de cassation considère que pour qualifier les temps de déplacement du salarié en temps de travail effectif, il faut au préalable vérifier que ces temps de trajets effectués par le salarié pour se rendre à son hôtel pour y dormir et en repartir, pour se rendre sur son lieu de travail, étaient, non pas des temps de trajet entre deux lieux de travail mais bien de simples déplacements professionnels, non assimilés à du temps de travail effectif. De plus, il n’était pas caractérisé pendant ses temps de déplacement entre son hôtel et ses lieux de travail, que le salarié était tenu de se conformer aux directives de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.
Des précisions concernant l’expertise relative à la situation économique et financière de l’entreprise
(Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2023, n°21-23.393)
Conformément à l’article L. 2312-25 du code du travail et en l’absence d’accord, la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise doit se tenir chaque année et porte sur la situation économique et financière de l’entreprise, la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise ainsi que sur l’utilisation des éventuels crédits d’impôt pour les dépenses de recherche.
Depuis la loi du 22 août 2021, cette consultation permet au CSE d’être informé sur les conséquences environnementales de l’entreprise.
Cette consultation peut s’avérer particulièrement technique et complexe, d’où la nécessité de désigner un expert-comptable qui sera à même de contrôler l’intégralité des éléments comptables transmis par l’entreprise au CSE, mais aussi de les interpréter et de les expliciter.
La désignation d’un expert-comptable porte le délai de consultation du CSE à deux mois, et l’expert est intégralement rémunéré par l’employeur (article L. 2315-80 du code du travail).
Dans une récente décision de la Cour de cassation en date du 1er juin dernier, la Haute Juridiction rappelle que l’expert-comptable désigné dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise doit disposer des mêmes documents que le commissaire aux comptes (article L. 2315-90 du code du travail). Par conséquent, l’expertise peut porter également sur la situation du groupe ainsi que sur l’entreprise en son sein.
Par ailleurs, l’expert-comptable a la possibilité de traiter les informations présentes dans la base de données économiques, sociales et environnementales de l’année en cours et des deux années précédentes, ce qui lui permet d’établir son rapport en ayant pleinement conscience de la situation financière actuelle de l’entreprise, mais aussi de son évolution.
L’indemnisation du préjudice issu du harcèlement moral
(Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2023, n°21-23.438)
Pour rappel, un licenciement peut être annulé lorsque le motif du licenciement est prohibé par la loi, ou lorsqu’il a été prononcé en violation d’une liberté fondamentale (article L. 1235-3-1 du code du travail).
Par exemple, la nullité du licenciement est requise lorsque ce dernier est fondé sur un motif discriminatoire, prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la maternité ou encore prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la protection des victimes ou témoins de harcèlement moral ou sexuel.
Lorsque le juge annule le licenciement d’un salarié, ce dernier peut :
- Soit demander sa réintégration dans son emploi, ou à défaut dans un emploi équivalent ;
- Soit renoncer à sa réintégration et demander à être indemnisé au titre de la nullité de son licenciement.
La seconde option suppose que soient versées au salarié l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et une indemnité réparant l’intégralité du préjudice qui doit être au moins égale aux salaires des six derniers mois.
Dans cette affaire du 1er juin 2023, un salarié victime de harcèlement moral a vu son licenciement annulé par les juges du fond, mais ces derniers l’ont débouté de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral. Selon les juges, un même préjudice ne peut être indemnisé qu’une seule fois. Or, le salarié a déjà obtenu une réparation au titre du caractère illicite de la rupture de son contrat de travail, il ne pouvait prétendre à une seconde indemnisation.
La Cour de cassation va casser l’arrêt d’appel et préciser que l’indemnité pour licenciement nul et l’indemnité pour harcèlement moral sont à distinguer. Selon la Haute Juridiction, l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour préjudice moral. A ce titre, la Cour de cassation autorise le cumul indemnitaire.