Une annulation des élections professionnelles possible, avant même le déroulement du scrutin !

(Cass. Soc. 12 mai 2021 n°19-23.428)

Pour rappel, il est possible de contester auprès du tribunal judiciaire le résultat des élections professionnelles dans un délai de quinze jours suivant la fin des élections (article R.2314-24 du Code du travail). Seules les personnes ayant un intérêt à agir peuvent contester les élections professionnelles, c’est-à-dire l’employeur, les salariés de l’entreprise ainsi que les organisations syndicales.

Pour la première fois, les juges ont eu à répondre d’une question relative à une demande de contestation des élections avant l’ouverture du scrutin.

Dans cette affaire, une organisation syndicale a contesté le protocole d’accord préélectoral et a par la même occasion demandé l’annulation des élections professionnelles. Le tribunal judiciaire saisi de la question a déclaré irrecevable cette demande, au motif qu’elle intervient avant le déroulement du scrutin.

L’organisation syndicale en question décide de se pourvoir en cassation car selon elle, l’article R.2314-24 du Code du travail impose une date limite pour formuler un recours en contestation des élections professionnelles, mais n’interdit pas d’agir avant que le scrutin ait eu lieu.

La Cour de cassation va donner raison au syndicat. Elle précise toutefois que si la contestation porte sur la régularité des élections professionnelles, elle doit nécessairement intervenir dans les 15 jours suivant les élections. Il en va autrement d’une demande simultanée en annulation du protocole d’accord préélectoral et des élections professionnelles qui en découlent. Cette demande peut être faite avant le déroulement du scrutin.

Information importante et non négligeable : lorsqu’une demande en annulation du protocole d’accord préélectoral est réalisée, il convient de demander impérativement l’annulation des élections professionnelles dans un délai de forclusion de 15 jours suivant le déroulement du scrutin, sans quoi les élections professionnelles seraient considérées comme valables.

Heures de délégation : nouvelle illustration de la notion de circonstances exceptionnelles

(Cass. Soc., 12 mai 2021, n° 19-21.124)

L’article R. 2314-1 du Code du travail permet aux membres titulaires du CSE de dépasser leur crédit d’heures en cas de circonstances exceptionnelles.

Cette notion n’est pas définie par le code du travail. C’est la Cour de cassation qui a donné la définition de cette notion : « pour que des circonstances exceptionnelles soient reconnues, il faut qu’elles constituent une activité inhabituelle nécessitant, de la part des représentants, un surcroît de démarches et d’activité débordant le cadre de leurs tâches coutumières en raison, notamment, de la soudaineté de l’événement ou de l’urgence des mesures à prendre » (Cass. crim., 3 juin 1986, n° 84-94.424).

L’arrêt du 12 mai dernier donne une nouvelle illustration de cette notion.

Les juges ont estimé que « l’absence de plusieurs membres du comité d’établissement, dont celle du trésorier adjoint en arrêt maladie » caractérisait bien l’existence de circonstances exceptionnelles. Le dépassement de 8 heures pratiqué par le trésorier du CE était donc justifié dans cette affaire. L’employeur a été condamné à payer ces heures.

Cette décision a été rendue pour un comité d’entreprise. Mais, à notre sens, cette nouvelle illustration est transposable au comité social et économique.

Concernant le CSE, il convient de rappeler que les membres peuvent mutualiser et reporter leurs heures de délégation dans certaines conditions. Cette souplesse, qui n’existait pas pour le comité d’entreprise, peut en pratique amener les membres du CSE à avoir moins besoin d’invoquer des circonstances exceptionnelles pour justifier un dépassement du crédit d’heures mensuel.

Le contrat de travail ne peut pas valoir accord au fractionnement des congés payés

(Cass.soc.5 mai 2021, n°20-14390)

Une entreprise prévoyait dans les contrats de travail que les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses étaient obligatoirement décomptés des congés payés. La fermeture de l’entreprise avait donc imposé, selon les années, jusqu’à 13 jours ouvrés de congés payés.

Les salariés ont donc fait valoir qu’ils étaient irrégulièrement privés de la possibilité de prendre un congé de 24 jours ouvrables, de manière continue entre le 31 mai et le 1er octobre de chaque année, les salariés ont été privés de leurs droits à congés. La Cour d’Appel de Versailles a donc accueilli la demande des salariés, que faute de préciser la liste des fêtes concernées, et leur durée chaque année, la stipulation de leur contrat de travail n’était pas suffisamment précise, pour obtenir l’accord des salariés sur le fractionnement de leur congé principal.

Selon la réglementation actuellement en vigueur, le congé principal de 4 semaines peut être pris en une seule fois ou bien en plusieurs fois, autrement dit fractionné, à l’initiative du salarié et de l’employeur. Selon l’article L.3141-19 du Code du travail, qui prévoit que lorsque l’employeur entend fractionner le congé principal, il doit obtenir l’accord du salarié. En revanche, la « loi travail » prévoit qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir l’accord du salarié, en cas de fermeture de l’entreprise.

La Cour de cassation pose donc le principe selon lequel les salariés ne pouvant pas renoncer par avance au bénéfice d’un droit qu’il tient des dispositions d’ordre public, ils ne peuvent pas non plus renoncer, dans leurs contrats de travail à leurs droits en matière de fractionnement du congé principal, tant que le principe du fractionnement que l’octroi des jours de congés payés supplémentaires nés du fractionnement.

La Cour de cassation exige notamment un accord exprès de la part du salarié, au fractionnement à l’éventuelle renonciation aux jours de congés supplémentaires, induits par le fractionnement. Elle ne valide pas une contractuelle générale.