Attention au dépassement injustifié du crédit d’heures de délégation !

(Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2024, n°23-11.770)

Conformément à l’article L. 2143-13 du code du travail, le crédit d’heures de délégation mensuel peut être augmenté en cas de circonstances exceptionnelles. Les circonstances exceptionnelles pouvant justifier un dépassement du crédit d’heures légal ou conventionnel sont définies par la jurisprudence comme un événement nécessitant un surcroît momentané de démarches et d’activité, débordant le cadre des tâches coutumières des représentants du personnel, en raison notamment de la soudaineté de l’évènement ou de l’urgence des mesures à prendre (cour de cassation, chambre sociale, 6 juillet 1994, n°93-41.705).

Dans l’affaire du 10 juillet dernier, un délégué syndical a pris des heures de délégation au-delà du crédit mensuel qui lui est octroyé par la loi. Malgré la demande de l’employeur, le délégué syndical n’a pas justifié de circonstances exceptionnelles autorisant ce dépassement. Aussi, l’employeur a procédé à une retenue sur salaire.

La Cour de cassation va rappeler le principe selon lequel la présomption de bonne utilisation des heures de délégation et leur paiement de plein droit ne s’appliquent pas aux heures prises au-delà du contingent mensuel légal ou conventionnel. En l’absence de justification de la part du délégué syndical, l’employeur est fondé à procéder à une retenue sur salaire, dans le respect de la fraction saisissable du salaire.

Dans ce cadre, la Haute Juridiction considère que l’employeur peut procéder à une retenue sur salaire dans la limite de la fraction saisissable du salaire, conformément à l’article L. 3252-2 du Code du travail. L’article L. 3251-3 du code du travail qui impose la limite de 10% du salaire net pour les retenues sur salaire n’a pas vocation à s’appliquer dans ce cadre, car la Cour de cassation considère que le paiement indu des heures de délégation ne constitue pas une avance sur salaire.

Pour information, justifient un dépassement du crédit d’heures de délégation des événements comme l’élaboration d’un PSE, un projet de restructuration, la dénonciation d’un accord d’entreprise, etc.

 

Enregistrement clandestin : une preuve déloyale admise dans le cadre d’une affaire de harcèlement

(Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2024, n°23-14.900)

Dans cette affaire, une salariée avait saisi les juges d’une demande de contestation de son licenciement. Elle soutenait avoir subi un harcèlement moral et produisait, pour le démontrer, la retranscription d’un enregistrement de son employeur réalisé à son insu lors d’un entretien. Cet enregistrement prouvait que l’employeur avait exercé des pressions sur la salariée et l’avait menacé de licenciement afin qu’elle accepte de signer une rupture conventionnelle.

Les juges du fond ont débouté la salariée au motif que cet enregistrement avait été réalisé sans l’accord de l’employeur. Ainsi, les juges du fond ont considéré que cela était contraire au principe de loyauté de la preuve et que cet enregistrement clandestin portait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée de l’employeur.

La Haute Cour va, quant à elle, casser l’arrêt d’appel. Elle va rappeler que dans un procès civil, la déloyauté d’une preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Il revient au juge d’apprécier si cette preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.

En l’espèce, la Cour considère que les juges du fond n’ont pas procédé à une analyse du caractère indispensable et proportionné de la production de l’enregistrement clandestin.

De plus, la Cour de cassation rappelle que la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié. Le salarié doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que ces éléments ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement.

 

Un CSE ne peut pas se constituer partie civile dans un procès pour harcèlement moral

(Cour de cassation, chambre criminelle, 25 juin 2024, n°23-83.613)

Cette affaire vient rappeler les hypothèses dans lesquelles un CSE peut agir en justice. En effet, un comité n’a pas vocation à représenter en justice les salariés, ni les intérêts généraux de la profession, cette mission étant exclusivement déléguée aux organisations syndicales.

En l’espèce, il était question d’une salariée poursuivie pour harcèlement moral en raison de ses propos et comportements répétés ayant engendré une dégradation forte des conditions de travail des salariés. Le CHSCT de l’entreprise, devenu ensuite le CSE, s’était constitué partie civile.

La salariée mettait en avant que l’action civile étant réservée aux victimes directes de l’infraction, le CSE ne pouvait pas se constituer partie civile.

Les juges du fond ont néanmoins admis la constitution de partie civile du CSE, au motif que les faits de harcèlement moral relevaient de la mission expresse du comité.

La Cour de cassation va casser l’arrêt d’appel, et considère que l’exercice de l’action civile devant les juridictions répressives ne peut être réalisé par un CSE. En effet, le comité ne tient d’aucune disposition légale le droit d’exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d’un préjudice personnel découlant des infractions en question, y compris si ces infractions concernent les conditions de travail. La Haute Juridiction va rappeler que le code du travail ne donne pas pour mission au CSE de représenter les salariés ou de défendre les intérêts de la profession.

En résumé, le CSE doit avoir été la victime directe du dommage pour pouvoir agir en justice. En pratique, il va notamment s’agir d’une atteinte à la personne morale ou aux biens du CSE, ou une atteinte à l’exercice de ses attributions.