En matière de discrimination, la charge de la preuve ne repose pas spécialement sur l’une ou l’autre des parties. Il s’agit en réalité d’un partage de la charge de la preuve. En effet, l’article L.1134-1 du code du travail dispose que le salarié doit rapporter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Les litiges en matière de discrimination sur le lieu de travail sont nombreux. Afin de réaffirmer sa volonté de lutter contre les discriminations au travail, la Cour de cassation s’illustre dans cet arrêt (Cour de cassation, chambre sociale, 14 novembre 2024, n°23-17.917) en élargissant la notion de discrimination. Par cette décision, elle offre aux salariés une protection accrue en la matière et oblige les employeurs à garantir un environnement de travail exempt de comportements discriminatoires même implicites.

Pour parvenir à ce résultat, revenons sur les faits qui ont conduits les parties à se trouver devant les juges.

En l’espèce, un salarié a rapporté à son employeur des propos et des comportements qu’il considérait comme discriminatoires de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Ces agissements incluaient des remarques sexistes répétées, un isolement manifeste (l’un de ses supérieurs saluait tout le monde sauf lui) et des critiques concernant sa relation amoureuse avec une collègue. Estimant que ses faits constituaient bien une discrimination fondée sur son origine, le salarié a pris acte de la rupture aux torts de son employeur et saisit le conseil de prud’hommes afin de demander que cette rupture soit qualifiée de licenciement nul en raison de son caractère discriminatoire.

Les juges du fond considèrent que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais n’est pas nul. En effet, ils rejettent la demande du salarié au motif qu’il n’apportait pas la preuve qu’il avait subi des mesures discriminatoires concrètes, telle une sanction injustifiée, une mesure défavorable en termes de rémunération ou de promotion.

La Cour de cassation décide de ne pas suivre cette interprétation restrictive de la notion de discrimination et casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 1, alinéa 3 de la loi du 27 mai 2008. Selon cet article, la discrimination inclut tout comportement ou agissement qui porte atteinte à la dignité d’une personne, ou crée un environnement hostile, intimidant, dégradant ou offensant. Dès lors, il n’est pas nécessaire que le salarié ait fait l’objet d’une mesure discriminatoire au sens de l’article L.1132-1 du code du travail pour caractériser une discrimination. Des propos racistes peuvent à eux seuls être considérés comme discriminatoires.

Pour éviter la cassation, les juges du fond auraient dû rechercher si les agissements de l’employeur étaient justifiés par des éléments étrangers à toute discrimination.

Pour les salariés, cette décision de la Haute cour constitue une avancée car elle leur permet de dénoncer des discriminations sans avoir à prouver des actions formelles prises à leur encontre. Pour les employeurs, cet arrêt souligne l’importance de mettre en place des politiques claires de prévention et de lutte contre les discriminations en entreprise.

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