L’étendue de la mission de l’expert désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale précisée
(Cour de cassation, chambre sociale, 23 mars 2022 n°20-17.186)
Les juges sont venus préciser l’étendue de la mission de l’expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise.
En l’espèce, un comité décide de désigner un expert-comptable pour les trois consultations annuelles, à savoir : orientations stratégiques, situation économique et financière et politique sociale.
L’expert sollicite la communication au titre des données sociales, la déclaration annuelle des données sociales (DADS) et les déclarations sociales nominatives (DSN) de l’année en cours et des quatre années précédentes.
Le président du CSE conteste l’étendue de l’expertise devant le tribunal judiciaire. Pour lui, l’analyse de l’évolution individuelle de la rémunération dans toutes ses composantes, l’étude de la politique de recrutement et des modalités de départ ne relèvent pas de la consultation sur la politique sociale prévue par l’article L. 2312-26 du code du travail. La DADS devenue DSN n’a pas à être transmise à l’expert.
Le tribunal ne fait pas droit à sa demande. La Cour de cassation confirme la position du tribunal.
La DADS et la DSN sont bien nécessaires à l’expert dans le cadre de sa mission.
Pour les juges, il revient à l’expert « de déterminer les documents utiles à sa mission et que la communication à l’expert des DADS, devenues DSN, en ce que celles-ci se rapportaient à l’évolution de l’emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l’entreprise, était nécessaire à l’exercice de sa mission d’expertise dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi ».
Un employeur peut mettre en œuvre une réorganisation avant l’homologation d’un PSE
(Cour de cassation, chambre sociale, 23 mars 2022 n°20-15.370)
Le 23 mars dernier, la Haute Juridiction s’est prononcée sur l’hypothèse d’une réorganisation qui serait accompagnée d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Selon elle, la mise en œuvre d’une telle réorganisation n’est pas subordonnée à l’homologation du PSE par l’autorité administrative.
Dans cette affaire, il était question d’un salarié qui avait été dispensé d’activité suite à un refus de mutation dans le cadre d’une réorganisation, le 30 novembre 2015. Entre temps, l’employeur a consulté le CSE sur un projet de licenciement collectif pour motif économique et a élaboré un PSE qui a ensuite été homologué par l’autorité administrative le 12 mai 2016.
Le salarié a ensuite été licencié pour motif économique pour avoir refusé toutes les propositions de reclassement de l’employeur. Il décide de saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire, en soutenant que la dispense d’activité dont il a fait l’objet dans le cadre de la réorganisation est irrégulière car intervenue avant l’homologation du PSE.
Si les juges du fond lui donnent raison, ce n’est pas le cas de la Cour de cassation. Elle va rappeler le principe majeur selon lequel, si le CSE est consulté en temps utile sur les projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut sans problème être mise en œuvre avant l’homologation du PSE par l’autorité administrative.
Petite précision toutefois : cette décision ne s’applique que dans le cadre des modifications de contrats de travail ou des dispenses d’activité, elle n’est en aucun cas applicable aux licenciements économiques qui ne peuvent être prononcés par l’employeur qu’une fois le PSE homologué (article L. 1233-39 du code du travail).
Le régime des élections professionnelles est précisé
(Cour de cassation, chambre sociale, 23 mars 2022 n°20-20.047)
Par arrêt en date du 23 mars 2022, la Cour de cassation a apporté des précisions concernant le régime des élections professionnelles dans le cadre d’un vote électronique.
En l’espèce, un protocole d’accord préélectoral conclu entre une société et les organisations syndicales représentatives prévoyait les modalités de mise en place d’un CSE. Il prévoyait le recours au vote électronique et ses modalités d’usage, le déroulement des périodes électorales ainsi que l’appréciation des conditions d’électorat et d’éligibilité à la date de clôture du premier tour des élections.
Un syndicat non-signataire du protocole avait demandé à la société de lui transmettre les listes d’émargement afférentes à ces élections. Face au refus de la société, le syndicat a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation du premier tour des élections professionnelles dans les collèges technicien et agent de maîtrise, ingénieurs et cadres en raison :
- Du refus de l’employeur de communiquer les listes d’émargement :
Il convenait en effet de déterminer si le refus de l’employeur de communiquer les listes d’émargement après la clôture du scrutin constituait une irrégularité de procédure entraînant l’annulation de l’élection en cause.
Pour se positionner, la Haute juridiction a tout d’abord rappelé la règle selon laquelle la liste d’émargement n’est accessible qu’aux membres du bureau de vote à des fins de contrôle du déroulement du scrutin. Par conséquent, elle a répondu par la négative au motif qu’après la clôture des scrutins, il appartient à la partie contestataire de solliciter la communication de ces listes par voie judiciaire, ces dernières étant tenues à la disposition du juge.
- De l’absence d’éligibilité de l’intéressée, faute pour cette salariée de remplir la condition requise d’ancienneté dans l’entreprise.
Pour les juges, les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date du premier tour du scrutin (Cass. soc., 25 oct. 2017, n° 16-17.740). Mais qu’en est-il en cas de recours au vote électronique se déroulant sur plusieurs jours ? En l’espèce, le protocole d’accord retenait le dernier jour du scrutin.
Pour les juges, dans la mesure où légalement les conditions d’ancienneté s’apprécient au premier jour du scrutin, le protocole d’accord préélectoral ne peut pas déroger à ce principe en prévoyant une autre date d’appréciation.
L’apport de cet arrêt est donc double en ce qu’il pose le cadre réglementaire relatif au vote électronique ainsi que le cadre légal relatif au protocole d’accord préélectoral.