Le temps de trajet des itinérants est enfin considéré comme du temps de travail effectif
(Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2022, n°20-21.924)
En droit commun, le temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail habituel n’est pas considéré du temps de travail effectif. Néanmoins, l’article L. 3121-4 du code du travail fixe une contrepartie obligatoire, soit sous forme de repos soit sous forme financière, lorsque ce temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et lieu habituel de travail.
Depuis de nombreuses années, il y a un flou juridique concernant les salariés itinérants qui n’ont pas de lieu de travail habituel. Jusqu’à présent, la Haute juridiction considérait que le temps de déplacement entre le domicile et les premiers et derniers clients relevait de l’article L. 3121-4 du code du travail, et ne constituait donc pas un temps de travail effectif.
La position de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) était différente sur la question. La CJUE considère en effet, en vertu de la direction 2003/88, que les salariés itinérants n’ont pas de lieu de travail habituel. Par conséquent, les déplacements quotidiens entre le domicile et le premier/dernier client constitue un temps de travail effectif en intégralité.
Par cette décision rendue le 23 novembre 2022, la Cour de cassation va pour la première fois tenir compte de la jurisprudence de l’Union Européenne. Elle considère que les temps de déplacement entre le domicile du salarié itinérant et les sites des premiers et derniers clients ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du code du travail.
A ce titre, ces temps de déplacement doivent être assimilés à du temps de travail et pris en compte pour le décompte des heures supplémentaires ainsi que pour le décompte des temps de repos quotidien et hebdomadaire.
Le CSE n’est pas consulté si l’avis d’inaptitude dispense l’employeur de rechercher un reclassement
(Cour de cassation, chambre sociale, 16 novembre 2022 n° 21-17.255)
Le code du travail prévoit à ses articles L. 1226-2 et L. 1226-10 que le CSE doit être consulté sur les possibilités de reclassement de tout salarié déclaré inapte suite à une maladie ou accident d’origine professionnelle ou non professionnelle.
Par ailleurs, le code du travail prévoit que tout salarié déclaré inapte peut faire l’objet d’une dispense expresse de reclassement par le médecin du travail, quelle que soit l’origine de l’inaptitude.
Une question se pose : le CSE doit-il être consulté lorsque l’employeur est dispensé par le médecin du travail de rechercher des postes de reclassement ?
Le 8 juin 2022, la Cour de cassation a tranché. L’obligation de consulter le CSE ne s’impose pas lorsque l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé de l’intéressé fait obstacle à tout reclassement dans son emploi. Cette solution a été retenue à propos d’une salariée victime d’un accident du travail.
Par conséquent, une interrogation persistait. La solution prise par les juges s’applique-t-elle en cas d’accident ou de maladie non professionnelle à l’origine de l’inaptitude du salarié ?
La réponse est positive.
En l’espèce, un salarié en arrêt de travail pour maladie est déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, avec mention expresse dans l’avis d’inaptitude que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Estimant notamment que son employeur a manqué à son obligation de consulter le CSE sur son reclassement, il saisit la juridiction prud’homale afin que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel fait droit à sa demande en retenant que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident ou une maladie d’origine non professionnelle, dont celle imposant à l’employeur de consulter le CSE, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation ne partage pas cette analyse. Lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les représentants du personnel.
La prescription des faits fautifs
(Cour de cassation, chambre sociale, 9 novembre 2022, n°21-13.224)
Dans cette affaire, il était question d’une salariée qui s’était vu notifier une mise à pied disciplinaire le 4 mars 2016. Quatre jours après, elle a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire. Pour la licencier pour faute grave, l’employeur se fonde sur des défaillances qui ont été révélées le 3 mars 2016.
La salariée saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de contestation de son licenciement pour faute. Selon elle, l’employeur avait connaissance des faits au moment du prononcé de la mise à pied disciplinaire. Il ne pouvait donc pas, selon la salariée, fonder son licenciement sur ces faits.
La Haute Juridiction rappelle que l’article L. 1332-4 du code du travail prévoit un délai de prescription de deux mois à compter de la connaissance des faits fautifs par l’employeur. En l’occurrence, le licenciement est intervenu le 23 mars 2016 : l’employeur a donc respecté le délai de prescription de deux mois.
Toutefois attention ! Les juges vont rappeler un principe fondamental selon lequel l’employeur, qui a connaissance de faits fautifs commis par le salarié et qui choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour les faits qui n’avaient pas été sanctionnés à l’origine.
En l’espèce, l’employeur avait eu connaissance de l’intégralité des faits mais a décidé de ne pas en sanctionner certains lors de la mise à pied disciplinaire. Les faits non sanctionnés ne pouvaient donc pas faire l’objet d’une nouvelle mesure disciplinaire ultérieurement.