Reçu pour solde de tout compte : quel délai pour le contester ?

(Cour de cassation, chambre sociale, 14 novembre 2024, n°21-22.540)

Au moment de la rupture du contrat de travail, l’employeur est tenu de remettre au salarié son reçu pour solde de tout compte qui récapitule l’ensemble des sommes versées à l’occasion de la rupture du contrat.

Si le salarié signe son reçu, il peut néanmoins le dénoncer dans les 6 mois qui suivent. Passé ce délai, le reçu pour solde de tout compte devient libératoire pour l’employeur. Si le salarié refuse de le signer, il n’a dans ce cas aucun effet libératoire pour l’employeur.

Dans l’affaire du 14 novembre dernier, un salarié a été licencié pour faute en avril 2013. L’employeur avait établi le reçu pour solde de tout compte à la fin de son préavis, mais le salarié n’a pas pu le signer en raison de son incarcération qui s’est terminée en 2017. Fin 2017, le salarié saisit le conseil de prud’hommes d’une demande relative aux sommes figurant sur ce solde de tout compte.

Les juges du fond vont lui donner raison et estiment que le reçu, qui n’a pas été signé par le salarié, n’a pas eu d’effet libératoire pour l’employeur.

La Cour de cassation va, quant à elle, casser l’arrêt d’appel. Elle va dans un premier temps confirmer que le reçu pour solde de tout compte non signé n’est ni libératoire ni une preuve de paiement. La Haute Cour rappelle les délais de prescription : lorsque le reçu est signé par le salarié, il dispose d’un délai de 6 mois pour dénoncer le document. En l’absence de signature, le délai pour effectuer toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail est de 2 ans (article L. 1471-1 du code du travail).

La Cour de cassation va poser le principe suivant : le délai de prescription n’est suspendu qu’en cas d’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Selon elle, l’incarcération du salarié n’a pas été reconnue comme une cause suffisante pour suspendre le délai de prescription. Par conséquent, au moment de la saisine du juge, le salarié était donc hors délai.

Le refus d’un départ en congé sabbatique doit être motivé

(Cour de cassation, chambre sociale, 20 novembre 2024, n°23-18.446)

Pour rappel, un salarié peut solliciter un congé sabbatique auprès de son employeur, s’il remplit plusieurs conditions. Dans un premier temps, le salarié doit respecter une double condition d’ancienneté : il doit justifier d’au moins 36 mois d’ancienneté, consécutifs ou non, dans l’entreprise, à la date du départ en congé ainsi que de 6 années d’activité professionnelle préalable, continue ou non.

Dans un deuxième temps, le salarié ne doit pas avoir bénéficié d’un congé sabbatique au cours des 6 dernières années. Et enfin, il doit respecter un délai de prévenance de 3 mois avant son départ.

De son côté, l’employeur a la possibilité de reporter le congé sabbatique de 6 mois (pour les entreprises d’au moins 300 salariés) ou de 9 mois (pour les entreprises de moins de 300 salariés) lorsqu’il justifie de l’un des motifs suivants :

  • La limitation du nombre de salariés absents pour cause de congé sabbatique ;
  • La limitation du nombre de salariés absents simultanément pour cause de congé sabbatique et congé pour création ou reprise d’entreprise.

Dans les structures d’au moins 300 salariés, l’employeur ne peut pas refuser le départ en congé sabbatique, il ne peut que le reporter. Dans les structures de moins de 300 salariés, il peut refuser le congé sabbatique, après avis du CSE, s’il estime que ce congé entraînera des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise (article L. 3142-29 du code du travail).

En l’espèce, une salariée responsable grands comptes s’est vu refuser une demande de congé sabbatique, au motif que son absence entraînerait des conséquences préjudiciables pour l’entreprise. L’employeur met en avant qu’elle est la seule responsable grands comptes de l’entreprise, et qu’elle gère des clients stratégiques. A ce titre, son absence aurait un impact important sur l’organisation de l’équipe. La salariée saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de contestation du refus de l’employeur.

Les juges du fond vont ordonner à l’employeur d’accorder le congé sabbatique à la salariée afin de préserver les intérêts des deux parties.

La Cour de cassation va censurer la décision d’appel. Elle estime qu’il revient aux juges du fond de vérifier si les conséquences préjudiciables alléguées par l’employeur étaient ou non avérées. En l’occurrence, les juges n’ont à aucun moment vérifié si les motivations de l’employeur étaient suffisantes ou non pour refuser le congé sabbatique.

Licenciement d’une salariée enceinte : quelles conséquences ?

(Cour de cassation, chambre sociale, 6 novembre 2024, n°23-14.706)

L’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité et pendant les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes.

L’employeur peut néanmoins justifier d’une faute grave de la salariée, non liée à son état de grossesse bien sûr, ou de son impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse.

S’il licencie la salariée en dépit des règles de protection précitées, le licenciement prononcé est nul. La salariée est donc fondée à demander soit sa réintégration dans l’entreprise, soit une indemnité spécifique équivalent à au moins 6 mois de salaire (article L. 1225-71 du code du travail).

En l’espèce, une salariée a été licenciée en raison de son état de grossesse. Elle a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale et n’a pas demandé sa réintégration. Par conséquent, les juges ont condamné l’employeur à lui verser une indemnité spécifique d’au moins 6 mois de salaire ainsi que les salaires dus pendant la période couverte par la nullité.

L’employeur conteste le versement de l’intégralité des salaires pour la période couvrant la nullité au motif que, depuis l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le code du travail ne prévoyait plus expressément le paiement des salaires en question.

La Cour de cassation va rejeter cet argument. Selon elle, la salariée a bien droit à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire réparant le préjudice subi ainsi qu’au paiement de l’intégralité des salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité.

La Haute Cour se base notamment sur la directive 2006/54/CE du Parlement Européen du 5 juillet 2006 qui impose une réparation dissuasive et proportionnée du préjudice subi du fait d’une discrimination fondée sur le sexe. La Cour de cassation se base également, de manière plus générale, sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui impose une réparation adéquate compensant intégralement le préjudice subi du fait d’une discrimination fondée sur l’état de grossesse.