Précisions sur la garantie d’évolution de rémunération des représentants du personnel
(Cour de cassation, chambre sociale, 20 décembre 2023, n°22-11.676)
Pour rappel, l’article L. 2141-5-1 du code du travail a créé une garantie d’évolution salariale pour les salariés disposant d’un mandat représentatif. Cette garantie légale ne s’applique qu’en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération au moins aussi favorables.
Le texte de loi prévoit pour les élus, dont la durée du mandat représente au moins 30% de leur durée du travail, une évolution de la rémunération au moins égale sur l’ensemble de la durée du mandat aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable. A défaut, cette évolution salariale doit être au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise.
Dans le cas d’espèce, un salarié titulaire de multiples mandats de représentation cumulait un crédit d’heures supérieur au tiers de sa durée contractuelle de travail. Le salarié conteste le calcul opéré par son employeur pour calculer le montant de l’évolution salariale, au motif que l’employeur a procédé à une comparaison avec les autres salariés à la fin de la période du mandat.
Selon lui, l’article L. 2141-5-1 du code du travail impose que l’évolution de la rémunération soit garantie sur l’ensemble de la durée du mandat. Par conséquent, cette garantie a vocation à s’apprécier pour chaque année du mandat, et non à la fin de ce dernier.
La Cour de cassation va donner raison au salarié. Selon la Haute Juridiction, en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise prévoyant des dispositions au moins aussi favorables, la comparaison de l’évolution de la rémunération doit bien être effectuée chaque année.
La Cour de cassation va également rappeler que le panel de salariés avec lesquels il convient de procéder à la dite-comparaison s’entend des salariés qui relèvent du même coefficient hiérarchique dans la classification applicable à l’entreprise, pour le même type d’emploi et engagés à une date voisine ou dans la même période.
Un membre du Codir peut exercer un mandat syndical
(Cour de cassation, chambre sociale, 20 décembre 2023, n°22-21.983)
Dans un arrêt du 20 décembre dernier, la Cour de cassation énonce qu’il n’est pas interdit à une organisation syndicale de désigner un membre du Comité de Direction (Codir) comme représentant de la section syndicale (RSS).
Pour autant, les juges rappellent le principe d’incompatibilité pour un salarié assimilable à l’employeur, d’exercer un mandat syndical :
- Soit parce qu’il dispose d’une délégation écrite particulière d’autorité qui permet de l’assimilé à l’employeur.
- Soit, parce qu’il représente effectivement le chef d’entreprise devant les institutions représentatives du personnel (IRP).
Dans l’affaire en cause, le salarié avait fait l’objet de deux subdélégations de pouvoir mais ces dernières n’avaient jamais été signées et rien n’établissait qu’il en connaissait l’existence et le contenu. De plus, même s’il était directeur des achats, le salarié n’avait pas de pouvoir de décision dans le recrutement des candidats, dans la prolongation des contrats, dans les promotions et augmentations, ou dans la rupture des contrats de travail de ses équipes. Il ne disposait d’aucun pouvoir disciplinaire autonome et ne pouvait décider seul des changements qui lui paraissaient appropriés dans l’organisation de son service.
Pour les juges, aucun élément ne permettait d’assimiler ce directeur des achats au chef d’entreprise, nonobstant son rôle au sein du Codir.
C’est pourtant cet argument qu’avance la société, pour contester la désignation de l’intéressé en qualité de RSS. En effet, pour l’entreprise, le salarié ne peut pas concilier un mandat syndical avec son rôle dans le Codir et dans l’équipe dirigeante, puisque par ces fonctions, le salarié a accès aux informations stratégiques et financières et à toutes données confidentielles concernant la société.
La Cour de cassation réfute cet argument, en retenant que la participation du salarié au Codir démontre bien un rôle important dans l’organigramme de la société, mais il n’a pas pour autant, un statut de cadre dirigeant. En outre, ce directeur n’est pas placé dans l’organigramme à la hauteur des directeurs adjoints, qui participent au comité exécutif. Comité qui prend les décisions stratégiques de l’entreprise.
En définitif, dans cet arrêt, la Haute Cour confirme que le seul fait qu’un salarié soit membre du Codir ne suffit pas à l’écarter d’office d’un mandat syndical. En effet, pour contester une fonction syndicale, il faut regarder, in concreto, si le salarié a la capacité de représenter l’employeur devant les IRP ou est assimilé au chef d’entreprise grâce à l’existence d’une délégation écrite particulière d’autorité.
La violation temporaire de la clause de non-concurrence par le salarié
(Cour de cassation, chambre sociale, 24 janvier 2024, n°22-20.926)
La clause de non-concurrence est une disposition figurant dans le contrat de travail d’un salarié, par laquelle ce dernier renonce à l’exercice d’une activité professionnelle concurrente, après la rupture de son contrat de travail.
Pour être valable, la clause de non-concurrence doit répondre à plusieurs conditions cumulatives. Elle doit ainsi être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ; être limitée dans le temps et dans l’espace ; tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière (Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2002, n°99-43.334).
Dans cette récente affaire, un salarié a signé un CDD de 6 mois avec une entreprise concurrente à son employeur, alors qu’il était lié par une clause de non-concurrence de 24 mois. L’ancien employeur a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de remboursement de la contrepartie financière versée au salarié, en raison de la violation de la clause de non-concurrence.
Les juges du fond donnent raison au salarié, et rappellent que l’activité concurrentielle n’a duré que 6 mois. A ce titre, l’indemnité financière restait due pour les 18 autres mois pour lesquels le salarié a respecté la clause. Seuls les 6 mois durant lequel il avait exercé une activité professionnelle concurrente devaient faire l’objet d’un remboursement à l’employeur.
La Cour de cassation va casser l’arrêt d’appel et rendre une décision plus stricte. Selon elle, la violation de la clause de non-concurrence ne permet pas au salarié de bénéficier de la contrepartie financière, même si la violation n’était que temporaire et si le salarié a respecté la clause le reste du temps. L’employeur était donc fondé à réclamer le remboursement de l’intégralité de la compensation financière.