L’expertise pour risque grave votée lors d’une réunion du CSE doit avoir un lien avec l’un des points inscrits à l’ordre du jour
(Tribunal Judiciaire Saint-Brieuc, 16 décembre 2021, n° RG 21/00343)
Pour les juges, un CSE ne peut délibérer que sur les points inscrits à l’ordre du jour ou ayant un lien avec l’un des points de l’ordre du jour (Cass. soc., 27 mai 2021, n° 19-24.344). Le principe de loyauté doit être respecté.
Les débats ne peuvent être loyaux que si tous les participants à la réunion du CSE, Président inclus, connaissent en amont les sujets qui seront discutés. Sur ce point, il revient au secrétaire du CSE d’être vigilant sur le contenu de l’ordre du jour.
En l’espèce, un CSE vote une expertise pour risque grave à l’occasion du point à l’ordre du jour consacré à la présentation du bilan de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). Ce point était intitulé « bilan de la CSSCT ».
L’employeur conteste ce vote. Il estime « qu’en l’absence de lien avec l’ordre du jour, l’expertise risque grave a été votée sans base légale et est donc irrecevable, nulle et non avenue« .
Le tribunal judiciaire rejette la demande d’annulation formée par l’employeur.
Pour les juges, l’appellation du point n’était pas exempte de tout lien avec la décision de recourir à une expertise pour risque grave.
Ainsi, si le bilan de la CSSCT « vient mettre en lumière des faits caractérisant l’existence d’un risque grave », la décision du CSE de recourir à une expertise risque grave « s’inscrit dans un lien nécessaire avec ce bilan« .
Des précisions apportées au sujet de l’appréciation de la condition d’effectif lors de la désignation d’un délégué syndical supplémentaire
(Cour de cassation, chambre sociale 8 décembre 2021, n° 20-17.688)
Pour rappel, l’article L. 2143-4 du code du travail prévoit que, dans les entreprises d’au moins 500 salariés, tout syndicat représentatif dans l’entreprise peut désigner un délégué syndical (DS) supplémentaire s’il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et des employés lors de l’élection du CSE, et s’il compte au moins un élu dans l’un des deux autres collèges.
Cet article prévoit également que le délégué supplémentaire est désigné parmi les candidats aux élections qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE, quel que soit le nombre de votants.
En l’espèce, après le premier tour des élections professionnelles au CSE d’établissement, un syndicat désigne un DS supplémentaire en application de l’article L. 2143-4 du code du travail.
L’entreprise conteste cette désignation dans la mesure ou l’établissement ne comptait que 485 salariés au cours du mois précédant la désignation. L’entreprise fait valoir un arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 1984 (n°83-60926), selon lequel le seuil d’effectif de 500 salariés devait être franchi pendant les 12 mois consécutifs précédant la désignation.
Le tribunal judicaire ne fait pas droit à la demande de l’entreprise. Selon lui, puisque l’établissement comptait plus de 500 salariés à la date des dernières élections professionnelle, la désignation était valable.
La Cour de cassation valide l’analyse du tribunal judiciaire. Elle juge que l’effectif d’au moins 500 salariés doit s’apprécier, dans l’établissement, à la date des dernières élections du CSE. Ce sont ces élections qui permettent d’établir le score électoral et le nombre d’élus obtenus par le syndicat ouvrant droit au syndicat de désigner un DS supplémentaire pour tout le cycle électoral, c’est à cette date que doit s’apprécier la condition d’effectif
Les conditions pour écarter un constat d’huissier attestant de la faute d’un représentant du personnel
(Conseil d’Etat 8 décembre 2021 n° 439631)
À la suite d’incidents survenus lors du dépouillement d’un vote portant sur la révocation du mandat de certains élus, un représentant du personnel titulaire fait l’objet d’une demande d’autorisation de licenciement.
L’inspecteur du travail refuse de délivrer l’autorisation administrative. Un recours est formé contre cette décision par la société. Le ministre du travail annule cette décision et donne son accord.
Le salarié saisi le tribunal administratif qui approuve la décision du ministre du travail. La cour administrative d’appel annule le jugement du tribunal administratif estimant qu’un doute subsiste sur la faute du salarié protégé. La société se pourvoit en cassation.
Pour justifier le licenciement, l’employeur avait fourni un procès-verbal de constat d’huissier de justice attestant de la participation du salarié protégé aux incidents. Le représentant du personnel lui opposait les témoignages de plusieurs salariés.
La cour administrative d’appel a estimé en confrontant les deux éléments de preuve qu’un doute subsistait sur la participation du salarié aux troubles et que le doute devait lui profiter. Ainsi, l’autorisation de licenciement ne pouvait pas être accordée.
Le Conseil d’Etat annule cet arrêt sur le fondement de l’article 1 de l’ordonnance 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers. Cet article dispose notamment que les huissiers, « commis par justice ou à la requête de particuliers, peuvent effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter », et que, « sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constations font foi jusqu’à preuve contraire ».
Le constat d’huissier a donc la force d’une présomption simple de vérité, qu’une preuve contraire peut contredire.
En l’espèce, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en retenant qu’un doute subsistait quant à la participation du salarié protégé aux faits reprochés, alors que la preuve contraire n’était pas rapportée.