Protection pendant le congé maternité : interdiction de convoquer la salariée à un entretien préalable à licenciement
(Cour de cassation, chambre sociale, 29 novembre 2023, n°22-15794)
L’article L. 1225-4 du code du travail prévoit qu’« aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes ».
Cette disposition interdit à un employeur de notifier un licenciement pendant la période de protection dite « absolue » visée ci-dessus mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.
Dans un arrêt du 29 novembre 2023, la Cour de cassation rappelle ce principe et donne des précisions sur la notion de mesure préparatoire au licenciement.
En l’espèce, une responsable marketing en congés payés à l’issue de son congé maternité a reçu une convocation à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour motif économique le 10 avril 2018. L’entretien était prévu plus de 10 semaines après la reprise de son travail, prévue le 25 janvier 2018. Trois semaines après l’entretien préalable, la salariée accepte le contrat de sécurisation professionnelle proposé par son employeur.
Par la suite, la salariée saisit le conseil de Prud’hommes et sollicite la nullité de son licenciement. Elle reproche à son employeur de l’avoir convoqué à un entretien préalable pendant la période de protection dite « absolue ». Cette convocation démontre que son licenciement a été préparé pendant la période légale de protection.
La Cour d’appel ne fait pas droit à sa demande. Elle estime que la convocation à l’entretien préalable ne constitue pas un acte préparatoire au licenciement.
La Cour de cassation censure la décision de la Cour d’appel. Un l’employeur ne peut pas engager la procédure de licenciement pendant la période de protection liée à la maternité, notamment en lui envoyant une lettre de convocation à l’entretien préalable. Un tel envoi constitue une mesure préparatoire au licenciement, même si l’entretien a eu lieu à l’issue de cette période.
Le droit à réparation du salarié en cas de dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire
(Cour de cassation, chambre sociale, 8 novembre 2023, n°22-19.080)
Dans cet arrêt du 8 novembre 2023, la Cour de cassation rappelle qu’en cas de dépassement de la durée maximale de temps de travail hebdomadaire, le salarié a le droit à une indemnisation sans avoir besoin de prouver qu’il a subi un préjudice.
En l’espèce, une salariée a effectué des heures supplémentaires qui l’ont conduite à dépasser la durée maximale de travail autorisée sur une semaine, à savoir 48 heures. En litige avec son employeur, elle demande réparation de cette violation de la législation. La Cour d’appel, la déboute de sa demande de dommages et intérêts au motif que les heures supplémentaires qu’elle a effectué ne lui ont causé aucun préjudice sur le plan de la santé.
La Cour de cassation n’accepte pas l’argument des conseillers d’appels et casse l’arrêt au motif que même si la salariée n’a subi aucun préjudice, notamment sur sa santé, le simple fait qu’elle est réalisée des heures supplémentaires qui l’ont conduite à dépasser les seuils autorisés, lui donne droit à des indemnités de réparation.
La protection du lanceur ne s’applique qu’en cas de bonne foi
(Conseil d’Etat, 8 décembre 2023, n°435266)
Dans cette affaire, un salarié représentant syndical avait été mis à pied à titre conservatoire suite à l’envoi de plusieurs mails et courriers adressés à des dirigeants de l’entreprise.
Dans ces écrits, le salarié proférait des accusations graves et imprécises à l’encontre d’un ancien supérieur hiérarchique, qu’il accusait notamment de délit d’abus de bien social, de clientélisme, de conflits d’intérêts et de prises illégales d’intérêts. Aucune preuve ou élément factuel n’appuyait toutefois ces propos. Le salarié qualifiait également son ancien responsable de « sinistre personnage » et de « truand corrompu ».
Le salarié a ensuite fait l’objet d’une procédure de licenciement pour faute grave. L’inspection du travail, saisie de la question, n’a pas autorisé le licenciement du salarié protégé. L’entreprise a contesté la décision de refus de l’inspection du travail auprès du Ministère du travail, qui lui a donné raison et a délivré l’autorisation de licenciement.
Le salarié va saisir la juridiction administrative pour faire invalider la décision du Ministère du travail. Le salarié rappelle que selon l’article L. 1132-3-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Selon lui, son statut de lanceur d’alerte le protège du licenciement dont il a fait l’objet, suite à la dénonciation des agissements de son ancien supérieur hiérarchique.
Le Conseil d’Etat va rejeter sa demande. Il va rappeler le mode d’emploi à suivre lorsque le lanceur d’alerte dont le licenciement est envisagé est un salarié protégé : l’inspection du travail doit rechercher dans un premier temps si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit. Dans un deuxième temps, l’autorité administrative doit rechercher si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi. Si l’une de ces conditions est manquante, l’inspection du travail doit refuser le licenciement.
En l’espèce, le Conseil d’Etat considère qu’au vu de l’absence d’élément factuel et de manque de précision quant à l’éthique de l’entreprise dans les courriers transmis par le salarié, et des termes employés jugés outranciers par les juges administratifs, le licenciement pour faute grave avait bien lieu d’être autorisé.