Rupture conventionnelle : le vice du consentement de l’employeur a pour conséquence la nullité de la convention, qui a pour effet la démission du salarié.

(Cour de cassation, chambre sociale, 19 juin 2024, n°23-10.817)

Le plus important dans la conclusion d’une rupture conventionnelle, c’est le consentement des parties. Ces dernières doivent être d’accord pour rompre le contrat de travail.

Mais, comme dans tout contrat, le consentement des parties ne doit pas être vicié.

Pour rappel, l’article 1130 du code civil énonce 3 vices du consentement possible pour annuler un contrat : l’erreur, la violence et le dol.

Cela signifie que si l’une des parties arrive à prouver que son consentement a été vicié pour l’une de ces causes, elle peut demander la nullité du contrat qui le lie à son cocontractant.

L’article 1137 du code civil dispose que constitue un dol, la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Ainsi, une rupture conventionnelle peut être annulée si l’une des parties arrivent à prouver que toutes les conditions du dol sont réunies.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans une décision du 19 juin dernier. En l’espèce, un responsable commercial signe avec son employeur une rupture conventionnelle, le 20 novembre 2018, avec une fin du contrat de travail au 31 décembre.

Mais l’employeur décide par la suite, de saisir la justice afin d’obtenir la nullité de la convention du fait du vice de son consentement pour dol. Les juges du fond accèdent à la demande de l’employeur du fait des manœuvres dolosives qu’aurait commis le salarié. En effet, ce dernier se serait volontairement abstenu de révéler à sa Direction son projet d’entreprise initié dans le même secteur d’activité que son employeur. Alors que ce dernier, avait accepté de conclure une rupture conventionnelle uniquement parce que le salarié lui avait révélé son souhait de se reconvertir dans le management.

Le salarié décide dès lors de se pourvoir en cassation. En effet, il avance, d’une part, qu’il n’y avait aucune clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail. Par conséquent, il n’était pas tenu de révéler spontanément à son employeur son projet de création d’activité concurrente. De sorte, aucune manœuvre dolosive n’était caractérisée. D’autre part, en admettant le dol, la Cour d’appel a porté une atteinte disproportionnée au principe de liberté du travail.

Malgré ses arguments, la Cour de cassation rejette le pourvoi. En effet, les juges rappellent qu’un dol est la dissimulation intentionnelle par l’un contractant d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Or, l’employeur, s’était décidé au regard du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management invoqué par le salarié et que ce dernier avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin que ce dernier signe la rupture conventionnelle.

Devant la Haute juridiction, le salarié conteste également les effets qu’ont fait produire les juges de la nullité de la convention de rupture. En effet, selon la Cour d’appel, la nullité de la convention produit les effets d’une démission pour le salarié. Or, une démission, pour être valable, doit être le résultat d’une manifestation de volonté claire et non équivoque de la part du salarié. La Cour de cassation n’est pas sensible à cet argument et suit la position des juges du fond. En effet, elle énonce que « lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée en raison d’un vice du consentement de l’employeur, la rupture produit les effets d’une démission ». En effet, pour les juges, c’est la dissimulation volontaire du salarié qui caractérise le dol et c’est pour cette raison que la convention doit produire les effets d’une démission. Ce qui, finalement est assez cohérent puisque, lorsqu’une convention de rupture est annulée pour vice du consentement du salarié, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A noter que, la convention de rupture ayant été annulée, le salarié devra rembourser à son ancien employeur l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et lui verser une indemnité compensatrice de préavis pour le préavis qu’il n’a pas effectué.

 

Quid des préconisations du médecin du travail qui entrainent une modification du contrat de travail ?

(Cour de cassation, chambre sociale, 19 juin 2024, n°22-23.143)

A la suite d’un accident de travail, le salarié qui revient à son poste doit retrouver son ancien emploi, ou à défaut un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente, conformément à l’article L. 1226-8 du code du travail.

Après un arrêt de travail d’au moins 30 jours lié à un accident de travail, le salarié est reçu par le médecin du travail. Ce dernier va pouvoir rendre un avis d’aptitude, parfois assorti de préconisations.

Dans certains cas, le médecin du travail peut préconiser une réduction du temps de travail. Les juges ont donc dû se poser la question de la réduction de la rémunération du salarié qui revient à son poste.

Dans cette affaire du 19 juin dernier, la médecine du travail a préconisé la reprise du travail à temps partiel pour une salariée victime d’un accident de travail. L’employeur lui a proposé un poste à mi-temps, avec une réduction de salaire au prorata temporis, que la salariée a refusé. L’employeur a donc procédé à son licenciement.

La salariée a ensuite intenté une action prud’homale pour réclamer un rappel de salaire, car son employeur l’avait rémunéré sur la base d’un salaire à temps partiel jusqu’au terme de son contrat de travail.

La Cour de cassation va donner raison à la salariée. En effet, l’employeur ne peut en aucun cas imposer une durée du travail à temps partiel assortie d’une diminution de rémunération. Cette mesure constitue une modification du contrat de travail que la salariée est en droit de refuser, y compris si cette mesure a été préconisée par la médecine du travail.

Ainsi, l’employeur aurait dû maintenir la rémunération sur la base d’un temps plein jusqu’à la rupture du contrat de travail.

 

Le calcul des indemnités de licenciement après un temps partiel thérapeutique.

(Cour de cassation, chambre sociale, 12 juin 2024, n°2313975)

La Cour de cassation a précisé pour la première fois le salaire à retenir pour le calcul des indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la suite d’un temps partiel thérapeutique.

Dans cette affaire, une salariée a repris son poste de travail dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique à la suite d’un arrêt maladie. Pendant son temps partiel thérapeutique, elle est à nouveau en arrêt maladie. Elle est licenciée pour faute grave pendant cet arrêt.

La cour d’appel juge son licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui accorde une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts. Ces indemnités sont calculées sur la base du salaire moyen perçu au cours de son temps partiel thérapeutique.

La salariée estime que ces indemnités auraient dû être calculées sur les salaires perçus avant son temps partiel thérapeutique, elle forme un pourvoi en cassation.

Pour justifier son pourvoi, elle fait valoir que le temps partiel thérapeutique était un temps partiel imposé au regard de son état de santé. Par conséquent, le salaire à retenir, pour calculer les indemnités de rupture, doit être celui versé avant le temps partiel thérapeutique.

La Cour de cassation suit le raisonnement de la salariée.

Elle décide que « le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé et que l’assiette de calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé ».

Les juges fondent leur décision notamment sur l’article L. 1132-1 du code du travail qui prévoit qu’un salarié ne peut pas faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé.