Le salarié licencié après l’homologation de la rupture conventionnelle conserve son droit à percevoir l’indemnité prévue

(Cour de cassation, chambre sociale, 25 juin 2025, n°24-12.096)

La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail qui permet de mettre fin à celui-ci d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Elle se déroule, en principe, en 4 grandes étapes :

  • Un ou plusieurs entretiens afin de négocier les conditions de la rupture et de signer la convention ;
  • Une fois la convention signée, les parties disposent d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer leur droit de rétractation ;
  • A l’issue de ce délai, une demande d’homologation de la convention est adressée à la DREETS qui a 15 jours ouvrables pour examiner la demande.

En principe, la rupture du contrat est fixée au lendemain de l’homologation de la convention de rupture par l’Administration. Toutefois, les parties peuvent convenir d’une date ultérieure.

Dans ce cas, que se passe-t-il si l’employeur découvre après l’homologation que le salarié a commis un manquement contractuel ? Peut-il encore procéder à un licenciement ? Et si oui, le salarié conserve t- il le droit à l’indemnité de rupture conventionnelle qui avait été négociée ?

C’est à ces questions que la Cour de cassation a répondu dans cet arrêt du 25 juin 2025.

En l’espèce, un directeur commercial signe, le 15 janvier 2018, une convention de rupture conventionnelle prévoyant le versement d’une indemnité spécifique de rupture conséquente. La rupture du contrat de travail est fixée au 30 juin suivant.

Toutefois, le 23 avril 2018, soit après l’homologation de la convention, l’employeur procède à son licenciement pour faute grave en raison de faits de harcèlement sexuel. Il refuse alors de verser l’indemnité prévue, estimant que la convention est devenue sans effet du fait du licenciement, et qu’en cas de faute grave, aucune indemnité ni préavis ne sont dus.

Contestant cette décision, le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour réclamer le versement de l’indemnité de rupture conventionnelle.

Les juges du fond déboutent le salarié, considérant que le contrat a été rompu par le licenciement, avant la date prévue dans la convention, rendant cette dernière inopérante.

Mais la Cour de cassation n’est pas convaincue et casse l’arrêt d’appel. En effet, la Haute Juridiction rappelle qu’en l’absence de rétractation, la convention de rupture est définitive dès son homologation. L’employeur peut, certes, procéder à un licenciement pour une faute grave, survenue ou révélée après le délai de rétractation et avant la date de rupture convenue, mais ce licenciement n’affecte pas la validité de la convention homologuée, ni le droit à l’indemnité de rupture. Celle-ci est acquise au salarié dès l’homologation. Le licenciement a seulement pour effet de mettre fin au contrat de travail avant la date convenue.

Ainsi, même en cas de licenciement pour faute grave après homologation, le salarié reste en droit de percevoir l’indemnité de rupture conventionnelle, bien qu’il ne reste pas en poste jusqu’au terme initialement prévu.

Dans ce contexte, le licenciement pour faute grave devient en quelque sorte « fictif », dans la mesure où il ne prive pas le salarié de l’indemnité de rupture.

L’employeur doit garantir l’application des recommandations du médecin du travail, même chez ses clients

(Cour de cassation, chambre sociale, 11 juin 2025, n°24-13.083)

La jurisprudence rappelle régulièrement que les préconisations formulées par le médecin du travail ont un caractère impératif pour l’employeur. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation est venue préciser que cette obligation s’étend également aux lieux d’exécution de la mission du salarié, y compris lorsqu’il intervient dans des entreprises clientes.

Dans cette affaire, un chauffeur routier victime d’un accident du travail avait été déclaré apte à reprendre son poste, sous certaines conditions : il ne devait pas soulever de charges de plus de 10 kg ni pousser ou tirer des charges pendant cinq mois, sauf à l’aide d’un chariot électrique. L’employeur décide alors de le repositionner sur un autre circuit de livraison impliquant plusieurs magasins d’une chaîne de grande distribution.

Quelques mois plus tard, le salarié est de nouveau en arrêt maladie. Il saisit alors la justice pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, arguant que 6 des 7 magasins où il effectuait ses livraisons ne disposaient pas de chariot électrique, en contradiction avec les consignes du médecin du travail. Selon lui, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne contrôlant pas les conditions réelles d’intervention chez les clients.

Les juges du fond rejettent les demandes du salarié. Selon eux, comme le salarié intervenait chez des clients, l’employeur n’était pas nécessairement informé de l’absence de matériel adapté, et le salarié aurait dû lui signaler la non-conformité des sites.

La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et annule la décision. Elle se fonde sur les articles L. 4624-3 et L. 4624-6 du code du travail, qui imposent à l’employeur de prendre en compte les avis et recommandations du médecin du travail, notamment lorsqu’ils concernent des aménagements de poste en lien avec la santé du salarié.

Pour la Haute juridiction, l’employeur aurait dû vérifier si les conditions de travail chez les clients étaient compatibles avec les restrictions médicales. En ne le faisant pas, il a failli à son obligation de sécurité.

En s’appuyant sur les constatations des juges du fond, la Cour conclut que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer que les sites de livraison étaient bien équipés de matériel conforme. Elle en déduit un manquement à l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur.

Le changement définitif de secteur géographique ne peut pas être imposé au salarié itinérant

(Cour de cassation, chambre sociale, 11 juin 2025, n°24-14.412)

Pour rappel, selon une jurisprudence constante, lorsque le contrat de travail ne comporte pas de clause de mobilité, tout changement de secteur géographique nécessite l’accord exprès du salarié.

À l’inverse, un changement de site au sein de la même zone géographique que celle initialement prévue peut être imposé par l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction.

Toutefois, deux situations peuvent justifier un déplacement temporaire au-delà du secteur géographique contractuellement prévu, même sans l’accord du salarié :

  • Lorsque des circonstances exceptionnelles justifient ce déplacement, à condition que le salarié en soit informé de manière anticipée, dans un délai raisonnable, et que la mission soit clairement identifiée comme temporaire ;
  • Lorsque la nature même du poste implique une mobilité régulière, ce qui est typiquement le cas des salariés itinérants.

Toutefois, la mobilité inhérente au métier d’itinérant ne donne pas pour autant à l’employeur la possibilité d’imposer un changement permanent de secteur. C’est ce que rappelle fermement la Cour de cassation dans une récente décision.

Dans cette affaire, l’employeur avait affecté de manière durable un salarié itinérant à la région Grand-Est, estimant que cette réaffectation relevait de son pouvoir de direction.

Les juges ont rejeté cet argument : pour eux, il ne s’agissait pas d’un déplacement temporaire justifié par des circonstances exceptionnelles, mais bien d’une mutation pérenne. Par conséquent, le changement de secteur géographique constituait une modification du contrat de travail, qui ne pouvait être imposée sans l’accord du salarié.

Ce manquement a conduit à une résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, la Cour reconnaissant que ce dernier avait unilatéralement modifié les éléments essentiels du contrat de travail.