Refus d’une rétrogradation : pas de nouvel entretien avant de prononcer une autre sanction

(Cass. soc., 25 mars 2020, n°18-11.433)
La tenue d’un entretien préalable est obligatoire dès que la sanction envisagée par l’employeur peut avoir une incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération, comme un licenciement, une rétrogradation ou une mise à pied. Si le salarié refuse une sanction disciplinaire entraînant la modification de son contrat de travail comme une rétrogradation, l’employeur peut prononcer une nouvelle sanction en lieu et place de la première qui se fonde sur les mêmes faits que ceux à l’origine de la sanction refusée.

Une question se pose : un entretien préalable doit-il être organisé avant l’application de la nouvelle sanction, autre qu’un licenciement ?

La réponse est négative. Dans cette affaire, le salarié avait refusé la rétrogradation disciplinaire prononcée à son encontre après un entretien préalable. Il s’est vu à la suite de ce refus notifier une mesure de mise à pied disciplinaire sans convocation préalable à un nouvel entretien. Le salarié fait valoir devant les juges le fait que la procédure disciplinaire n’a pas été respectée. Selon ce dernier, à partir du moment où la sanction disciplinaire de substitution a une incidence sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération, celle-ci doit être précédée d’un nouvel entretien préalable. La Cour de cassation rejette l’argumentation. Elle considère que la nécessité de tenir un nouvel entretien préalable est subordonnée exclusivement à la prononciation d’une mesure de licenciement postérieurement à la notification de la première sanction. La mise à pied disciplinaire prononcée à titre de sanction de substitution sans nouvel entretien préalable était valable.

Rappel sur le formalisme de la rupture conventionnelle

(Cour d’appel de Versailles du 19 mars 2020 n° 17/04126)
La rupture conventionnelle est un mode de rupture au formalisme très strict. Il faut a minima un entretien au cours duquel les parties peuvent se faire assister (article L.1237-12 du code du travail). A compter de la signature de la convention de rupture, un délai de rétractation de 15 jours calendaires s’ouvre (article L.1237-13 du code du travail). Ensuite, la demande de rupture est envoyée à la Direccte qui a 15 jours ouvrables pour répondre. A défaut de réponse dans le délai, la rupture est réputée homologuée tacitement (article L.1237-14 du code du travail). Pour rappel, le montant de l’indemnité de rupture ne peut être inférieur à l’indemnité légale de licenciement, c’est-à-dire que le salarié aura droit à au moins ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années et 1/3 de mois de salaire à compter de la 11ème année (article L.1237- 13 du code du travail).

En mars dernier, la Cour d’appel de Versailles a eu l’occasion de rappeler ce formalisme très strict. Dans cette affaire, l’employeur n’avait pas délivré au salarié un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle qu’ils avaient signé à la suite de plusieurs entretiens. La Cour a invalidé la rupture conventionnelle au motif que le salarié n’ayant pas obtenu son exemplaire n’était dès lors pas informé de ses droits, et notamment du droit de rétractation dont il disposait. La Cour d’appel a rappelé ici une jurisprudence constante (Cass. Soc. 3 juillet 2019 n° 18-14.414). Par ailleurs, il convient de rappeler qu’en cas de litige, c’est l’employeur qui doit donc être en mesure d’attester de la remise d’un exemplaire au salarié.

La faute inexcusable de l’employeur

(Cass. 2ème chambre civile 12 mars 2020 n°19-10.421)
En principe, le salarié victime d’un accident du travail a droit à une indemnisation forfaitaire limitée à la prise en charge totale des soins et au versement d’indemnités journalières de sécurité sociale (article L.431-1 du code de sécurité sociale). La reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur permet à la victime ou à ses ayants droit d’obtenir : – d’une part, un complément d’indemnisation forfaitaire par le biais d’une majoration de la rente d’incapacité permanente ; – d’autre part, la réparation intégrale des préjudices subis et non réparés par la majoration. La loi ne définit pas la faute inexcusable, c’est donc la jurisprudence qui en a fixé les contours.

La définition donnée par la jurisprudence permet de dégager plusieurs conditions nécessaires à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur :

  • un manquement à une obligation de sécurité ;
  • la conscience du danger ;
  • la faute, cause nécessaire mais non déterminante de l’accident.

Dans cette affaire, un salarié d’une déchetterie est renversé par un tractopelle. L’accident est considéré comme un accident du travail. Le salarié va ensuite demander la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

La Cour de cassation va retenir que l’employeur n’a pas procédé à l’établissement du document unique d’évaluation des risques et que la présence habituelle et concomitante de tractopelles et de piétons sur le site traduit une nécessaire prise de conscience du danger. La Cour de Cassation va donc faire application des critères de reconnaissance de la faute inexcusable posés par une jurisprudence constante