Une indemnité de cantine fermée peut être réservée aux seuls salariés présents dans les locaux de l’entreprise

(Cour de cassation, chambre sociale, 24 avril 2024, n°22-18.031)

Durant la période de pandémie de Covid-19, une entreprise a été contrainte de placer une partie de ses salariés en télétravail. Les salariés dont le poste n’était pas télétravaillable ont continué à travailler sur site. Toutefois, le service de restauration de l’entreprise a été fermé en raison des exigences gouvernementales.

Afin d’indemniser les salariés du préjudice subi par la fermeture temporaire du restaurant d’entreprise, un accord d’entreprise a été conclu en vue de mettre en place une indemnité de cantine fermée. Cet accord d’entreprise excluait expressément les télétravailleurs du bénéfice de cette indemnité.

Une des organisations syndicales de l’entreprise a saisi le tribunal judiciaire afin d’obtenir le versement de cette indemnité de cantine fermée aux télétravailleurs. Le syndicat va rappeler que la loi pose un principe d’égalité de traitement entre les salariés sur site et les télétravailleurs. En effet, l’article L. 1222-9 du code du travail prévoit que les salariés en télétravail bénéficient des mêmes droits que les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Toutefois, les juges du fond vont débouter le syndicat. Selon eux, si l’employeur doit bien respecter une égalité de traitement entre les télétravailleurs et les salariés travaillant sur site, c’est à la condition que ceux-ci soient placés dans une situation identique au regard de l’avantage en question.

Or, les salariés en télétravail ne se trouvaient pas dans la même situation que les salariés tenus de travailler dans les locaux de l’entreprise, qui avaient été privés du service de restauration du fait de sa fermeture.

La Haute Juridiction va donner raison aux juges du fond et confirme que la différence de traitement était justifiée. Elle ajoute également que les télétravailleurs n’ont pas subi de charge financière supplémentaire du fait de la fermeture du restaurant d’entreprise, contrairement aux autres salariés contraints de travailler sur site.

A titre de rappel, il en va différemment des titres-restaurant. En effet, l’Urssaf et le Ministère du travail considèrent que le salarié en télétravail doit en bénéficier dès lors que ses conditions de travail sont équivalentes à celles des salariés sur site, à savoir une journée de travail entrecoupée d’une pause réservée à la prise du repas.

 

La convention tripartite : un impératif en cas de changement d’employeur au sein d’un même groupe

(Cour de cassation, chambre sociale, 7 mai 2024, n°22-22.641)

En dehors du transfert légal ou conventionnel, il est possible de conclure une convention tripartite pour formaliser un changement d’employeur au sein d’un même groupe. Cette convention doit être signée entre le salarié, son employeur actuel et son futur employeur afin d’encadrer les modalités de poursuite du contrat de travail.

Dans cette affaire du 7 mai dernier, un salarié a fait l’objet d’une mutation intragroupe qui a pris la forme d’un transfert de son contrat de travail au sein d’une autre entreprise de l’UES (Unité Economique et Sociale). Ainsi, le salarié a signé avec son employeur une convention de rupture conventionnelle en vue de signer ensuite un CDI avec son nouvel employeur.

Par la suite, le salarié licencié pour inaptitude va intenter une action en justice demandant la nullité de la convention de rupture conventionnelle. Le salarié estime qu’aucune convention tripartite n’a été signée entre lui et ses deux employeurs successifs et que par conséquent, la rupture du contrat de travail doit s’analyser en un licenciement.

Les juges du fond vont débouter le salarié et considèrent que la convention de rupture signée avec le premier employeur et le CDI signé avec le second employeur valent convention tripartite, garantissant la poursuite de la relation de travail.

La Cour de cassation va casser l’arrêt d’appel. Selon la Haute Juridiction, en cas de changement d’employeur au sein d’un même groupe, le salarié et les employeurs successifs doivent obligatoirement signer une convention tripartite, dès lors que l’article L. 1224-1 du code du travail relatif au transfert de contrat de travail en cas de modification de la situation juridique de l’employeur ne s’applique pas.

Cette convention tripartite ne peut pas être formée par des documents différents signés par le salarié avec chaque employeur. La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel le transfert du contrat de travail suppose que soient réunis dans un seul et même acte l’accord du primo-employeur, celui du nouvel employeur et l’accord exprès du salarié.

 

L’infarctus qui a lieu durant le télétravail est un accident de travail

(Cour d’appel de Nîmes, 2 mai 2024, n°23/00507)

Conformément à la loi, l’accident qui survient sur le lieu où est exercé le télétravail est présumé être un accident de travail, dès lors qu’il survient pendant l’exercice de l’activité professionnelle (article L. 1222-9 du code du travail).

Dans cette affaire du 2 mai dernier, il était question d’une salariée qui est décédée à son domicile à la suite d’un infarctus. Lorsque l’arrêt cardiaque s’est produit, la salariée était en télétravail. La CPAM a donc naturellement retenu le caractère professionnel de cet accident, ce que conteste l’employeur.

Selon ce dernier, l’accident est sans lien avec l’exécution du travail et ne peut donc constituer un accident de travail. L’employeur ajoute également que la salariée avait de lourds problèmes de santé, et qu’elle ne travaillait que le matin. Or, l’accident a eu lieu lorsqu’elle avait terminé son travail et qu’elle n’était plus sous sa subordination.

Les juges vont donner raison à la CPAM et rappellent que l’accident qui survient durant le télétravail est présumé être d’origine professionnelle. Il revient ensuite à l’employeur d’établir que la cause de l’accident est étrangère au travail pour que cette présomption tombe.

En l’occurrence, l’employeur qui affirmait que la salariée ne travaillait que le matin n’a pas apporté d’élément de preuve attestant de ses véritables horaires. Les seules informations à la disposition du juge indiquent des horaires allant de 8h30 à 12h00 et de 14h00 à 17h30. Ainsi, l’infarctus est donc présumé avoir eu lieu pendant les horaires de travail de la salariée, à défaut de preuve contraire.

De plus, les juges rappellent que l’état de santé fragile de la salariée ne permet pas à lui seul de considérer que son décès n’est pas en lien avec l’activité professionnelle.

Par conséquent, la CPAM a à juste titre retenu la qualification d’accident de travail.