Un salarié représentant l’employeur devant les représentants de proximité ne peut ni voter ni être candidat aux élections professionnelles

(Cass. Soc. 31 mars 2021, n° 19-25.233)

Pour les juges, les salariés exerçant des pouvoirs relevant de l’employeur, ne peuvent pas de ce fait être électeurs et éligibles aux élections professionnelles. Ces salariés sont ceux qui soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel (en ce sens notamment Cass. Soc. 16 déc. 2020, n° 19-20.587).

Dans cette affaire, un syndicat demande le retrait des listes électorales de 80 directeurs de magasins pour les élections professionnelles. Le tribunal d’instance fait droit à la demande et ordonne leur radiation des listes.

La société conteste la décision au motif que ces directeurs ne disposent pas de délégation particulière d’autorité établie par écrit et ne peuvent être assimilés à l’employeur car ils ne peuvent pas décider seuls d’un recrutement en contrat à durée indéterminée, du prononcé d’une sanction disciplinaire ou de la rupture d’un contrat de travail.

Pour la société, seule la représentation effective de l’employeur devant le Comité Social et Economique est de nature à exclure des salariés de l’électorat et de l’éligibilité aux fonctions de membres de ce comité.
La Cour de cassation ne retient pas les arguments de la société. Elle met en avant la nature d’institution représentative du personnel, émanation du CSE, que constituent les représentants de proximité, et ce même s’il s’agit d’une instance conventionnelle.

De plus, ces directeurs représentent bien l’employeur vis-à-vis des salariés même s’ils ne disposent pas d’une pleine liberté dans l’embauche, la discipline et le licenciement des salariés de leurs magasins.

La radiation de ces salariés des listes électorales est, par conséquent, conforme à la législation.

Un salarie peut contester une rétrogradation disciplinaire, même s’il l’avait acceptée

(Cass. Soc. 14 avril 2021 n°19-12.180)

Pour rappel, l’article L.1331-1 du code du travail permet à l’employeur de prendre une sanction à l’encontre d’un salarié à la suite d’un agissement qu’il considère comme fautif. Cette sanction peut être de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, mais aussi sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

La rétrogradation fait partie des mesures disciplinaires pouvant être prises par l’employeur. Cette sanction est de nature à faire régresser la position d’un salarié dans la grille de classification hiérarchique ou à réduire ses responsabilités et le salaire correspondant.

La jurisprudence a déjà par le passé eu l’occasion de préciser la chose suivante : la rétrogradation étant de nature à modifier le contrat de travail du salarié, l’employeur est tenu de recueillir l’accord préalable du salarié (Cass. Soc., 17 juin 2009, n°07-44.570).

Dans cette récente affaire, la Haute Juridiction va plus loin. Il était question d’un salarié qui avait accepté une rétrogradation disciplinaire à la suite d’un agissement fautif, et qui avait signé un avenant à son contrat de travail suite à cette rétrogradation. Avec cet avenant, il avait accepté un poste de bibliothécaire.

Le salarié a tout de même saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande d’annulation de sa sanction disciplinaire. Le Conseil de prud’hommes lui donne raison et annule la sanction. Suite au jugement, l’employeur décide de rétablir le salarié dans son ancienne catégorie professionnelle mais le maintien avec son accord, dans le poste de bibliothécaire.

La Cour de cassation va préciser dans cet arrêt qu’en dépit de la signature de l’avenant, il demeure possible de contester une sanction disciplinaire. Les juges du fond doivent par conséquent observer les griefs reprochés au salarié ainsi que la proportionnalité de la sanction choisie.

L’intervention de l’expert du CSE pour préparer la négociation sur l’égalité professionnelle

(Cass.soc.14 avril 2021, n°19-23589)

Dans cette affaire, les élus au CSE ont par une délibération du 9 mai 2019, décidé de mettre en place une expertise sur la qualité de vie au travail, qui inclut l’égalité professionnelle. L’employeur conteste le recours à cette expertise sur les trois points suivants :

  • L’expertise a été votée tardivement, après le début des négociations ;
  • L’expertise doit être limitée à la seule négociation sur l’égalité professionnelle, qui n’inclut pas nécessairement la qualité de vie au travail ;
  • L’expertise ne doit pas être prise en charge par l’employeur.

Sur le premier point, la Cour de cassation rappelle que conformément à l’article L.2315-94 3° du code du travail, le CSE peut faire appel à un expert dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle. Les juges ont donc considéré que la désignation de l’expert doit être faite en un temps utile, elle peut donc être ordonnée même si la négociation a déjà commencé. Ce qui est important c’est que l’expert puisse remplir son rôle et apporter « toute analyse utile dans le cadre de la préparation des négociations »

Sur le deuxième point, les juges précisent que l’expertise doit déboucher sur une analyse, qui permet aux organisations syndicales de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle. Les juges confirment que l’expertise ne peut concerner que la négociation sur l’égalité professionnelle, ils donnent donc raison à l’employeur.

Sur le dernier point, la Cour de cassation donne une nouvelle fois raison à l’employeur, en précisant que l’expertise doit être cofinancée par l’employeur et le CSE. En effet, conformément à l’article L.2315-80 2° du code du travail précise que les expertises diligentées en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle, sont prises en charge à hauteur de 20% par le CSE sur son budget de fonctionnement, et 80% par l’employeur. Dans cette décision, les juges attirent notre attention sur le fait que le CSE doit vérifier l’existence des indicateurs chiffrés relatifs à l’égalité professionnelle, dans la BDES. A défaut de disposer de ces indicateurs, le financement est intégralement supporté par l’employeur.