La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : une prime attribuée selon des critères non discriminatoires
(Cour de cassation, chambre sociale, 16 mars 2022 n°20-22.734)
La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, plus connue sous le nom de « Prime Macron », a été instaurée suite à la crise des Gilets Jaunes en 2019, et a été reconduite jusqu’au 31 mars 2022. Pour le moment, nous ignorons encore si la possibilité de verser cette prime sera reconduite ou non.
Dans cette affaire du 16 mars dernier, il était question d’un salarié qui a saisi le juge prud’homal d’une demande de régularisation de l’accord collectif portant sur la prime Macron ainsi que d’une demande de paiement de cette prime.
Par une décision unilatérale, l’employeur avait mis en place la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en excluant de manière automatique deux catégories de salariés du bénéfice de cette prime, à savoir les cadres et les personnels de formation. L’employeur justifiait cette différence de traitement par les différences résultant du montant des rémunérations et des sujétions inhérentes à chaque catégorie professionnelle.
La Cour d’appel de Caen a donné raison au salarié, en considérant que le fait d’exclure une partie des salariés comme l’employeur l’a fait viole le principe d’égalité de traitement. Elle souligne notamment le fait qu’il s’agisse d’une décision unilatérale de l’employeur. Elle sous-entend par là qu’elle aurait rendu une décision tout autre si ces critères d’attribution avaient été négociés dans le cadre d’un accord collectif.
La Haute Juridiction va casser l’arrêt d’appel et va préciser que la Cour d’appel n’a pas suffisamment caractérisé l’inégalité de traitement. Selon elle, la Cour d’appel aurait dû démontrer que les salariés concernés se trouvaient dans une situation identique au regard de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. En l’occurrence, les arguments des juges du fond ne permettent pas de caractériser cela.
La recherche de reclassement du salarié inapte doit être exécutée de bonne foi et de manière sérieuse
(Cour de cassation, chambre sociale, 26 janvier 2022 n°20-20-369)
En cas d’inaptitude d’origine professionnelle ou non professionnelle d’un salarié, l’employeur est soumis à une obligation de reclassement à son encontre.
La loi a déjà eu l’occasion de préciser que le ou les postes de reclassement envisagés par l’employeur doivent être aussi comparables que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail (article L. 1226-10 du code du travail).
Si le salarié inapte refuse l’emploi proposé, l’employeur peut engager contre lui la procédure de licenciement pour inaptitude (article L. 1226-12 du code du travail). Autrement dit, l’employeur n’a pas à lui proposer d’autres postes. Un seul refus suffit à justifier la mise en œuvre de la procédure de licenciement.
La jurisprudence va toutefois nuancer le texte de loi. En effet, l’employeur est réputé avoir rempli son obligation de reclassement dès lors qu’il est de bonne foi et que son offre de reclassement est loyale.
En l’espèce, l’employeur avait proposé au salarié un poste qui n’était pas comparable avec ses anciennes fonctions, alors que d’autres postes plus adaptés étaient disponibles dans l’entreprise. De plus, la Haute Juridiction met en avant le fait que le salarié avait exprimé des souhaits de reclassement particuliers, mais que l’employeur n’en a pas tenu compte.
Avant cette décision du 26 janvier dernier, l’employeur pouvait prendre en compte les souhaits exprimés par le salarié inapte. Par cette jurisprudence, la Cour de cassation semble désormais considérer que les souhaits exprimés par le salarié inapte doivent être obligatoirement pris en compte par l’employeur, dès lors que ceux-ci sont conformes aux préconisations du médecin du travail et aux postes disponibles dans l’entreprise.
A défaut d’une telle prise en compte, la recherche de reclassement peut être qualifiée de déloyale.
Expertise CSE : la fixation des honoraires de l’expert-comptable repose sur des critères objectifs quantitatifs et qualitatifs
(Tribunal judiciaire de Paris, 17 mars 2022, RG n°22/51198)
Par jugement en date du 22 mars 2022, le Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé sur le montant des honoraires d’un cabinet d’expertise-comptable, désigné par le CSE dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.
Pour rappel, les élus du CSE n’étant la plupart du temps ni des spécialistes en comptabilité, ni en économie de l’entreprise, la loi leur permet de recourir à des experts – expert-comptable ou expert habilité – qui interviennent afin de les aider à comprendre les informations transmises par l’entreprise après les avoir analysées (article L2315-78 du code du travail).
En l’espèce, le cabinet d’expertise avait adressé un projet de lettre de mission à l’entreprise estimant le coût prévisionnel de son intervention à la somme de 36 340 € H.T correspondant à 23 jours de mission au tarif journalier de 1 580 € H.T.
L’entreprise a sollicité du cabinet d’expertise la baisse du montant de ses honoraires. Confrontée au refus du cabinet d’expertise, l’entreprise a saisi la juridiction d’une demande de réduction de ces honoraires à la somme de 14 400 € H.T, correspondant à une mission de 12 jours au tarif journalier de 1 200 € H.T. Elle sollicitait en outre, sa condamnation au paiement de la somme de 1 500 € afin de couvrir les frais de justice qu’elle avait été contrainte d’engager dans le cadre de cette procédure (article 700 du code de procédure civile).
L’entreprise motivait sa demande en soutenant que le tarif journalier fixé par le cabinet d’expertise excédait de manière significative les tarifs habituellement pratiqués en la matière et que le nombre de jours de mission avait été surévalué.
Elle prétendait ainsi que le nombre de jours devait être réduit au motif que :
- les opérations portant sur la politique sociale pour une entreprise de 327 salariés ne sont pas complexes ;
- ce cabinet était déjà intervenu en 2021 pour réaliser une expertise dans le cadre de la consultation sur la situation économique et qu’il avait par conséquent une bonne connaissance de la société.
Le défendeur quant à lui sollicitait le rejet des demandes de l’entreprise au motif que la contestation était prématurée, le montant de ses honoraires ne pouvant être fixé définitivement qu’à l’issue de la mission. Que de surcroit, l’entreprise tentait d’évaluer la durée de l’expertise de façon simpliste en se contentant de diviser par deux le temps à consacrer à chacune des diligences sans juger de leur pertinence.
Le temps consacré à la mission d’expertise dépend des spécificités de la société. Par conséquent, il fallait tenir compte de son appartenance à un groupe, des évolutions récentes du périmètre et de l’organisation, du nombre significatif d’établissements, du manque manifeste d’informations contenu dans la BDES si bien qu’il était nécessaire de les reconstituer. Une liste de documents avait d’ailleurs été transmise à l’entreprise afin de pouvoir y procéder.
Le défendeur ajoutait enfin que bien qu’il soit intervenu précédemment dans le cadre de la consultation sur la situation économique de l’entreprise, le périmètre de cette consultation était à différencier de celui de la consultation sur la politique sociale.