Le départ à la retraite : l’employeur s’oppose à la rétractation du salarié
(Cass. soc. 22 septembre 2021, n°20-11.045)
Un salarié informe son employeur en date du 31 août 2012 de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite, avec un départ effectif au 1er janvier 2013. L’employeur prend connaissance de cette décision le 3 septembre.
Cependant, en date du 27 décembre 2012, le salarié revient sur sa décision de partir à la retraite, mais l’employeur refuse. Le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande de réintégration et de rappel de salaires. Le salarié invoque notamment le fait que le refus de l’employeur est entaché d’une discrimination en raison de son état de santé et de ses activités syndicales.
Les juges ont étudié la décision de départ à la retraite du salarié constatée le 31 août 2012, qui avait présenté une décision claire et non équivoque de faire valoir ses droits à la retraite. De plus, les juges n’ont pas retenu la discrimination invoquée par le salarié.
En effet, ils ont considéré que l’employeur n’avait pas abusé de son droit de refuser le report du départ à la retraite, compte tenu notamment de la tardiveté de la rétraction et de l’absence d’explications particulières par rapport à celle-ci.
La Cour de cassation a estimé qu’il n’était pas démontré que l’employeur avait connaissance de l’état de santé dans lequel se trouvait le salarié. Le refus de l’employeur de tenir compte de la rétractation tardive du départ à la retraite ne laissait pas supposer l’existence d’une discrimination, en raison de l’état de santé ou des activités syndicales de l’intéressé. Les juges ont donc rappelé au salarié qu’il ne pouvait pas sans justification particulière et tardivement retarder son départ à la retraite.
Une prime sur objectifs peut-elle être soumise à une condition de présence ?
(Cass. Soc. 29 septembre 2021, n°13-25.549)
La structure de la rémunération se présente en deux parties :
- La partie fixe ;
- La partie variable.
La partie variable est individualisée et est utilisée comme élément de motivation du personnel. Cette partie prend souvent la forme de « prime sur objectifs ». L’employeur doit alors fixer des objectifs au salarié qui doivent être réalisés sur une période donnée, et subordonne leur réalisation au versement d’une prime.
Dans cette affaire, une salariée, licenciée le 19 octobre 2010, conteste son licenciement. Elle réclame le paiement des primes commerciales sur objectifs auprès de son employeur qui ne lui ont pas été versées.
Du côté de l’employeur, ces primes n’étaient pas dues puisque le contrat de travail de la salariée prévoyait une clause dans laquelle le paiement des primes est subordonné à la présence de la salariée au 31 décembre de l’année considérée.
La Cour de cassation estime que si une prime peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, elle ne peut pas être subordonnée à une condition de présence postérieure à la date de son versement. Dans cette situation, le droit à rémunération est d’ores et déjà acquis car la période travaillée sur laquelle reposent les conditions de versement de la prime a été intégralement travaillée.
Transfert des excédents annuels : attention à bien respecter la limite des 10%
(Cass. Soc. 20 octobre 2021, n°20-14.578)
Le comité social et économique peut décider de transférer une partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles (article L. 2315-61 du code du travail). Toutefois ce transfert est limité. Il ne peut pas aller au-delà de 10 % de l’excédent annuel (article R. 2315-31-1 du code du travail).
Que se passe-t-il si un comité, qui possède d’importantes réserves de budget de fonctionnement, ne respecte pas cette limite ? La Cour de cassation a répondu indirectement à cette question dans un arrêt du 20 octobre 2021.
La réponse des juges est indirecte car l’affaire portée devant les juges a eu lieu sous l’empire de l’ancienne législation. Cette dernière interdisait strictement le transfert d’argent du budget de fonctionnement vers le budget des activités sociales et culturelles (ASC).
En l’espèce, un comité d’établissement, qui devait disparaître en raison d’une réorganisation, prévoit dans son budget prévisionnel « de transférer au budget des activités sociales et culturelles les excédents du budget de fonctionnement des exercices antérieurs« . Le montant du transfert s’élève à 995 025€.
L’employeur assigne en référé le comité d’établissement estimant que le budget prévisionnel ne respectait pas la distinction entre le budget de fonctionnement et le budget des ASC. Pour lui, le fait de prévoir d’utiliser le budget de fonctionnement pour financer des ASC constitue « un trouble manifestement illicite » qu’il convient de faire cesser immédiatement en interdisant au CE de transférer les excédents du budget de fonctionnement.
La cour d’appel de Versailles confirme l’ordonnance du tribunal de grande instance et reconnaît l’existence d’un trouble manifestement illicite.
Le comité d’établissement est condamné à « présenter un nouvel état de ses budgets« , à « réintégrer les reliquats de budget de fonctionnement des années précédentes au budget de fonctionnement » et à procéder au « remboursement des sommes déjà dépensées et issues du budget de fonctionnement et des reliquats des années précédentes pour financer irrégulièrement des activités sociales et culturelles« .
Dans son arrêt, la Cour de cassation entérine définitivement cette condamnation.
Cet arrêt met en avant le fait que tout employeur peut agir contre le CSE qui ne respecte pas la règle de séparation des budgets et qui, en cas de transfert vers le budget des ASC, va au-delà de la limite des 10 % de l’excédent annuel de budget de fonctionnement.