Des infractions commises avec le véhicule de fonction ne justifient pas à elles seule un licenciement

(Cour de cassation, chambre sociale, 4 octobre 2023, n°21-25-421)

Dans cette affaire, il était question d’un salarié qui disposait d’un véhicule de fonction. Durant l’utilisation de son véhicule de fonction, notamment durant les trajets pour se rendre sur son lieu de travail, il a commis quatre infractions au code de la route.

Son employeur a procédé à son licenciement, en estimant que ces faits se rattachaient à la vie professionnelle. Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes, considérant que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond et la Cour de cassation vont donner raison au salarié. En effet, selon les juges, les infractions au code de la route ont été commises en dehors du temps de travail effectif du salarié ; puisque les temps de trajet entre le domicile du salarié et le lieu de travail ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif (article L. 3121-4 du code du travail). Par conséquent, les infractions doivent être considérées comme commises durant la vie privée du salarié.

La Haute Juridiction va également rappeler que, dans cette affaire, l’outil de travail n’avait subi aucun dommage. Cela signifie que si le véhicule de fonction avait subi des dommages, le licenciement aurait pu reposer sur une cause réelle et sérieuse. La jurisprudence en avait déjà décidé ainsi pour un salarié qui avait provoqué un accident au volant de son véhicule de fonction, alors qu’il était en état d’ébriété sur son temps personnel (Cour de cassation, chambre sociale, 19 janvier 2022 n°20-19.742).

Il est donc important d’évaluer si des dommages ont été causés durant l’utilisation du matériel professionnel dans le cadre de la vie privée du salarié. Si aucun dommage n’est recensé, alors un licenciement pour motif disciplinaire ne peut être prononcé.

 

La clause d’objectifs doit nécessairement être rédigée en français

(Cour de cassation, chambre sociale, 11 octobre 2023, n°22-13.770)

En l’espèce, un salarié avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de paiement de rappels de salaire sur sa rémunération variable. Le salarié conteste la rédaction de sa clause d’objectifs qui n’est pas en français.

Les juges du fond déboutent le salarié de sa demande, au motif que la clause d’objectifs est rédigée en anglais, qui est la langue utilisée dans l’entreprise puisqu’elle est une filiale d’une société américaine. Par ailleurs, l’intégralité des documents de travail, au-delà de la clause d’objectifs, étaient rédigés en anglais. Selon la Cour d’appel, la simple rédaction en langue étrangère de la clause d’objectifs ne pouvait permettre de la rendre inopposable au salarié.

La Cour de cassation va casser l’arrêt d’appel et donner raison au salarié. Selon la Haute Cour, les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle doivent être rédigés en français, puisque ceux-ci n’ont pas été reçus de l’étranger.

La Cour fait application ici d’une jurisprudence constante, puisqu’elle a déjà rappelé que des objectifs rédigés en anglais sont inopposables aux salariés, même si l’entreprise présente un caractère international. La seule exception concerne des documents qui seraient reçus de l’étranger ou destinés à des salariés étrangers.

 

Un employeur peut-il se fonder sur une photographie issue d’un groupe Messenger pour justifier le licenciement d’une salariée ?

(Cour de cassation, chambre sociale, 4 octobre 2023, n°21-25.452)

D’après un récent arrêt de la Cour de cassation, un employeur peut produire des éléments de preuve portant atteinte à la vie privée de sa salariée à la condition que cette preuve soit indispensable à l’exercice de ce droit de la preuve et que l’atteinte soit proportionnée au but recherché.

En l’espèce, une infirmière travaillant aux services des urgences de nuit a été licenciée pour faute grave par son employeur car elle avait participé à une séance photo en maillot de bain sur son lieu de travail et durant ses horaires de service. Les faits litigieux ayant été révélés par une aide-soignante appartenant au groupe privé Messenger et sur lequel avaient été partagées les photographies.

La salariée conteste son licenciement en arguant que les photos étaient privées, qu’elles étaient issues d’une messagerie instantanée dont elle n’avait pas autorisé la diffusion. Par conséquent, le fait que son employeur produise ses photographies comme preuve de son licenciement porte nécessairement atteinte à sa vie privée.

Malgré ses arguments, la cour d’appel confirme le licenciement de la salariée. En effet, pour les juges du fond, les photos ont été prises sur le lieu de travail et étaient destinées à une ancienne collègue de travail. Les photographies appartenaient donc à la sphère professionnelle et révélaient un comportement contraire aux obligations professionnelles de la salariée. La preuve était donc admissible.

Contestant cette décision, la salariée décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en rappelant qu’en principe, les preuves produites par un employeur doivent respecter la vie privée du salarié. Cependant, pour les juges, une preuve qui ne respecte pas ce principe fondamental ne doit pas être automatiquement exclue. En effet, pour trancher le litige, les juges du fond doivent mettre en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit de la preuve de l’employeur. En conséquence, l’atteinte à la vie privée du salarié sera admise si la preuve litigieuse est indispensable à l’exercice du droit de la preuve par l’employeur et que l’atteinte est strictement proportionnée au but recherché.

Dans l’espèce, la Cour de cassation admet que les photos issues du groupe Messenger portent atteinte à la vie privée de la salariée. Cependant, elle estime que cette preuve est indispensable à l’employeur pour exercer son droit à la preuve et que l’atteinte était proportionnée au but poursuivi puisqu’il s’agissait de protéger les patients, confiés aux soins des infirmières de l’établissement.

L’employeur peut ainsi valablement s’appuyer sur les photos litigieuses pour prouver la faute de la salariée et prononcer son licenciement pour faute grave.