Le CSE peut décider du recours à une expertise pour risque grave, même s’il n’a pas procédé à une enquête interne au préalable
(Cour de cassation, chambre sociale, 1er octobre 2025, n°23-23.915)
Pour rappel, l’article L. 2315-96 du code du travail permet le recours à un expert dans le cadre intitulé « qualité du travail et de l’emploi ». Le CSE peut faire appel à un expert habilité lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement.
Ce type d’expertise est intégralement financée par l’employeur (article L. 2315-80 du code du travail).
En l’espèce, un CSE d’établissement a voté le 26 septembre 2023 le recours à une expertise pour risque grave, invoquant une forte souffrance au travail liée à un sous-effectif chronique, une mauvaise gestion du personnel, des atteintes à la santé physique et mentale des salariés.
La direction a contesté l’expertise et a obtenu l’annulation de la délibération du CSE en première instance. Selon le tribunal judiciaire, les investigations demandées relevaient du pouvoir d’enquête du CSE en matière de santé et de sécurité et au travail, et non d’une expertise. Le tribunal judiciaire souligne également qu’une procédure d’alerte pour danger grave et imminent avait déjà été lancée en 2021 et était encore en cours.
Cependant, la Cour de cassation a infirmé ce raisonnement : elle a jugé que ni l’existence des pouvoirs d’enquête du CSE, ni la mise en œuvre d’une procédure d’alerte pour danger grave et imminent ne peuvent empêcher le comité de décider une expertise pour risque grave.
Selon la Haute Juridiction, les juges du fond auraient dû rechercher si les faits invoqués par le CSE d’établissement étaient de nature à caractériser l’existence d’un risque grave, identifié et actuel au jour de la délibération.
Pour information, la jurisprudence a par le passé considéré qu’un état de stress important lié aux conditions de travail, compromettant la santé mentale des salariés, suffit à établir l’existence d’un risque grave et à justifier une expertise, quand bien même le CHSCT n’a pas épuisé ses pouvoirs propres d’enquête (Cour d’appel de Colmar, 25 novembre 2015, n°14/05422).
Des précisions sur le périmètre de l’expertise relative aux orientations stratégiques de l’entreprise
(Cour de cassation, chambre sociale, 17 septembre 2025, n°24-14518)
Le CSE a la possibilité de recourir à un expert-comptable lorsqu’il est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Selon l’article L. 2315-87-1 du code du travail, « la mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise ».
L’expert a tout intérêt à respecter le cadre de l’expertise sous peine d’une contestation par l’employeur avant même que l’expertise ne soit enclenchée.
En l’espèce, le CSE d’une association chargée de la gestion d’un service de santé au travail désigne un expert-comptable dans le cadre de la consultation des orientations stratégiques. Dans la lettre de mission de l’expert, certains sujets se rapportent à un projet de rapprochement avec une autre association de médecine du travail. Ainsi la lettre de mission prévoit notamment « l’évaluation des conséquences du projet de rapprochement sur les emplois, notamment sur les potentiels doublons et autres potentiels regroupements géographiques » et « l’évaluation de l’impact du projet de rapprochement sur l’articulation des systèmes de qualité ».
L’association saisit les juges afin que la mission de l’expert-comptable soit revue. Pour la direction, les sujets se rapportant au projet de rapprochement devaient être retirés.
La Cour de cassation fait droit à la demande de l’association. Les juges rappellent que « la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise » (Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2022, n° 20-23.660).
La mission de l’expert définie dans la lettre de mission excédait le périmètre de la consultation des orientations stratégiques. Les points de la lettre de mission relatifs au rapprochement ont été retirés.
Licenciement abusif : le salarié conserve son droit à la prime de partage de la valeur, même après avoir quitté l’entreprise
(Cour de cassation, chambre sociale, 24 septembre 2025, n°23-22.844)
Le Code civil prévoit que si l’une des parties à une convention empêche volontairement la réalisation d’une condition prévue dans celle-ci, cette condition es réputée accomplie (article 1304-3 Code civil).
C’est sur le fondement de ce principe que la Cour de cassation a jugé qu’un salarié licencié sans motif légitime a droit à la prime de partage de la valeur versée après son départ.
En l’espèce, un salarié a été licencié pour faute grave le 20 mai 2020. Le 29 mai suivant, l’employeur a décidé, par une décision unilatérale, d’attribuer une prime de partage de la valeur aux salariés présents dans les effectifs le 30 juin, date de son versement.
Ne faisant plus partie des effectifs à cette date, la cour d’appel avait rejeté la demande du salarié, tendant au versement de cette prime.
La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel sur le fondement de l’article 1304-3 du Code civil. En effet, elle a estimé que l’employeur ne pouvait opposer à un salarié injustement licencié la condition de présence prévue par la décision unilatérale (présence au 30 juin) pour bénéficier de la prime, dès lors que, sans le licenciement injustifié, le salarié aurait rempli cette condition.
Par conséquent, la Cour de cassation a considéré que, bien qu’il ne fût plus présent dans les effectifs au 30 juin, le salarié devait percevoir la prime de partage de la valeur.
