Attention à la publication d’une offre d’emploi postérieurement à un licenciement économique
(Cass. Soc. 9 septembre 2020 n°18-24.983)
Lorsque l’employeur envisage de licencier pour un motif économique un salarié, il doit au préalable remplir certaines obligations. En effet, la loi ne permet le licenciement économique qu’une fois tous les efforts de formation et d’adaptation réalisés et que si le reclassement du salarié sur un poste disponible, situé sur le territoire national de l’entreprise ou des autres entreprises du groupe, s’avère impossible (article L.1233-4 du Code du travail).
La jurisprudence est venue préciser cette obligation de reclassement.
En effet, le respect de l’obligation de reclassement va s’apprécier en fonction des emplois disponibles à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu’à la date de la notification de ce dernier (Cass. Soc. 1 er juin 2010 n°09-40.421).
Cela implique qu’en cas de recrutement postérieur au licenciement économique, l’employeur doit démontrer que le poste en question n’était pas disponible au moment du licenciement.
L’arrêt du 9 septembre dernier est venu confirmer cette position jurisprudentielle. Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour motif économique. Deux jours après la réception de la lettre de notification du licenciement, l’employeur a publié une offre d’emploi correspondant aux fonctions précédemment exercées par le salarié.
Le salarié licencié économiquement a contesté son licenciement en soutenant que le poste ouvert au recrutement était déjà disponible au moment de son licenciement.
La Cour de cassation va donner raison au salarié et considérer que la publication d’une offre d’emploi, deux jours après le licenciement économique, et correspondant avec exactitude aux compétences du salarié licencié, prouve l’existence d’un poste de reclassement au moment du licenciement. Par conséquent, le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse car l’employeur a méconnu son obligation de reclassement.
L’employeur qui défend ses intérêts peut porter atteinte à la vie privée d’un salarié
(Cass. Soc. 30 septembre 2020, n°19-12058)
Une salariée cheffe de projet est licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité.
Elle avait publié sur son compte Facebook une photographie de vêtements issue de la nouvelle collection de la marque, alors que la collection n’était pas encore sortie. Seuls les commerciaux de la société avaient pu voir cette photographie.
L’employeur avait pu consulter son profil, par le biais du compte Facebook de l’une de ses collègues. Il avait également noté la présence, dans la liste d’amis de la salariée, de plusieurs personnes appartenant à des entreprises concurrentes.
Pour contester son licenciement, la salariée reproche à son employeur d’avoir accédé à son profil Facebook, sans son autorisation, et d’avoir extrait des informations de son profil. Elle fait donc valoir que la preuve des faits invoqués est irrecevable car l’information a été rapportée par l’intermédiaire d’un autre salarié de l’entreprise, autorisé à accéder à son compte privé. La défense de la salariée se fonde donc sur la solution rendue par les juges dans un arrêt rendu fin 2017 à savoir, l’employeur qui accède aux informations Facebook d’un salarié via le compte de l’un de ses collègues porte une atteinte disproportionnée et déloyale à sa vie privée.
La Cour estime que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de la salariée, ce moyen d’obtention de preuve n’est pas déloyal. Néanmoins, la photographie extraite du profil Facebook de la salariée par l’employeur, ainsi que, la photo de ses « amis » professionnels du secteur de la mode, constituent une atteinte à la vie privée de la salariée.
Toutefois, cette atteinte est justifiée par la Cour de Cassation. Les juges estiment que le doit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privée de la salariée portant atteinte à sa vie privée, à condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et proportionné au but poursuivi. L’employeur pouvait valablement justifier de son intérêt légitime à protéger la confidentialité de ses affaires.
L’obligation d’adaptation de l’employeur
(Cass. Soc. 8 juillet 2020 n°19-12.105)
L’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi compte tenu de l’évolution des technologies, des organisations et des emplois (article L.6321-1 du Code du travail).
Cette obligation légale n’est pas nouvelle et impose à l’employeur de proposer de manière régulière à ses salariés des actions de formation. Cette obligation existe même en l’absence d’évolution de l’emploi des salariés ou de développement prévisible de leur carrière.
Si l’employeur n’a proposé aucune formation à un salarié, il ne pourra par conséquent pas lui reprocher une insuffisance professionnelle et le sanctionner pour ce motif.
Dans l’affaire en question, un salarié avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le salarié conteste son licenciement devant le Conseil de prud’hommes et demande des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation par l’employeur. En effet, ce salarié n’a bénéficié d’aucune action de formation en 33 ans de carrière dans l’entreprise.
La Cour de cassation va donner raison au salarié et caractériser un manquement à l’obligation d’adaptation. Elle va préciser que l’employeur ne peut s’exonérer de son obligation parce qu’il estime que former le salarié n’est pas nécessaire au vu de la situation et au vu de son poste. La Cour de cassation va estimer que le salarié qui n’a bénéficié d’aucune formation au cours de sa carrière subit un préjudice qui ouvre droit à des dommages et intérêts.