Rappel des règles relatives à la modification de la rémunération
(Cass. soc., 15 septembre 2021, n° 19-15.732)
Dans un arrêt du 15 septembre dernier, la Cour de cassation a rappelé que sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié.
Actuellement, seul l’accord de performance collective s’impose puisque l’article L. 2254-2 du code du travail prévoit que « les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ».
Ainsi, la rémunération est un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut pas être modifié, ni dans son montant ni dans sa structure sans l’accord du salarié. L’acceptation du changement doit être expresse, elle ne peut pas résulter de la seule poursuite par le salarié de son travail (Cass. soc. 16 novembre 2005, n° 03-47.560).
En l’espèce, un salarié embauché a été embauché en CDI (faisant suite à plusieurs CDD d’usage) le 1er mai 2003 en contrepartie d’une rémunération forfaitaire sans prime ni indemnité. Le 28 mai 2013, un accord collectif est conclu dont la transposition est rétroactive au 1er janvier 2013. Cet accord prévoit que la rémunération du salarié est scindée en un salaire de base dont le taux est diminué pour y intégrer une prime d’ancienneté. Un avenant est remis au salarié pour l’informer de ce changement.
Le salarié conteste l’avenant qui lui a été remis et fait valoir la modification de la structure de sa rémunération sans son accord préalable.
Pour sa défense, l’employeur tente de faire valoir que lorsque la structure de la rémunération n’est pas fixée par le contrat de travail, elle peut être modifiée sans l’accord du salarié. En vain. Les juges du fond donnent raison au salarié.
Employeur et caisse de congés payés : la substitution n’est pas automatique
(Cass. Soc. 22 septembre 2021, n°19-17046)
Dans certaines professions, l’affiliation à une caisse de congés payés est obligatoire (professions du bâtiment et des travaux publics). Ces caisses se substituent aux employeurs pour le versement des indemnités de congés payés.
Le salarié est donc détenteur d’une créance contre la caisse. Dans la mesure où l’employeur a satisfait à ses obligations à l’égard de la caisse (affiliation, versement des cotisations, remise des attestations aux salariés), il est déchargé de toute obligation quant au paiement de l’indemnité de congés payés. En cas de manquement, le salarié peut intenter une action exclusivement contre la caisse.
Dans le cas d’espèce, un salarié absent de l’entreprise pour maladie professionnelle est licencié pour inaptitude. Il intente une action en justice contre son employeur, affilié à une caisse de congés payés, devant le conseil des prud’hommes pour obtenir le paiement d’un rappel de salaire au titre de congés payés non pris pendant la période correspondant à sa maladie professionnelle.
La demande du salarié est rejetée en appel, au motif que l’employeur a satisfait à toutes ses obligations à l’égard de la caisse de congés payés, les juges en déduisent que l’employeur est déchargé de toute obligation, quant au paiement de l’indemnité de congés payés. Le salarié aurait dû donc agir uniquement contre la caisse.
Le salarié forme un pourvoi en cassation. Selon lui, la constitution de caisses de congés auxquelles les employeurs intéressés s’affilient obligatoirement constitue une simple modalité d’application des dispositions de droit commun relatives aux congés payés.
La Cour de cassation lui donne raison. Elle estime qu’il appartient à l’employeur relevant d’une caisse de congés payés de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés, et en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. L’exécution de cette obligation entraîne la substitution de l’employeur par la caisse pour le paiement de l’indemnité de congés payés.
Le juge ne doit pas contrôler le choix de l’expert par le CSE, sauf abus manifeste
(Cass. Soc. 22 septembre 2021 20-17.635)
Lorsque le CSE décide de désigner un expert dans le cadre d’une information-consultation, la loi prévoit que l’employeur peut contester en justice cette désignation.
En effet, l’article L.2315-86 du code du travail permet à l’employeur de saisir le tribunal judiciaire dans les 10 jours suivant la désignation de l’expert par le CSE. Par le biais de cette saisine du juge, l’employeur peut contester la nécessité même de l’expertise, le choix de l’expert mais également son cahier des charges et le coût global de cette expertise. Le juge judiciaire a ensuite 10 jours pour statuer.
Dans cette affaire du 22 septembre dernier, l’employeur avait contesté le choix de l’expert dûment désigné par le CHSCT dans le cadre d’une expertise pour risque grave.
Ces dernières années, le contentieux lié à la contestation du choix de l’expert est assez réduit. En effet, les juges ont désormais une position assez stricte : dès lors que le cabinet d’expertise dispose bien de l’habilitation nécessaire, la contestation du choix de l’expert n’a pas lieu d’être, sauf abus manifeste.
La Cour de cassation a ici pu préciser ce qu’était un « abus manifeste ». L’employeur mettait notamment en avant le fait que les modalités et le coût de l’expertise n’étaient pas connues au moment de la désignation, et que cela constituait un abus manifeste. La Haute Juridiction va rappeler que les modalités et le coût de l’expertise pouvant être définis après la désignation de l’expert, aucun abus n’est donc caractérisé.
Pour résumer, l’abus manifeste aurait pu être caractérisé si le CSE avait eu connaissance d’un coût de l’expertise particulièrement élevé, mais qu’il n’avait pas fait parvenir cette information à l’employeur dès la désignation.