Le salarié qui ne déclare pas son mandat extérieur à l’employeur perd sa protection en cas de rupture
(Cour de cassation, chambre sociale, 3 septembre 2025, n°23-18.275)
Afin de bénéficier du statut protecteur des salariés protégés, le salarié exerçant un mandat extérieur à l’entreprise doit informer son employeur de l’existence de ce mandat avant l’entretien préalable ou, lorsque celui n’est pas requis, avant la notification de la rupture du contrat de travail.
Un défenseur syndical ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail se souviendra longtemps de cet oubli lourd de conséquences.
Pour bénéficier du statut protecteur lié à l’exercice d’un mandat extérieur à l’entreprise, tel que celui de conseiller du salarié, de conseiller prud’homal ou, comme en l’espèce, de défenseur syndical, le salarié doit informer son employeur de l’existence ou du renouvellement de ce mandat. Cette information doit intervenir au plus tard lors de la convocation à l’entretien préalable en cas de licenciement ou, lorsque la procédure ne requiert pas d’entretien, avant la notification de la rupture du contrat. En cas de litige, le salarié peut néanmoins se prévaloir de la protection s’il établit que l’employeur avait connaissance de son mandat à la date de la rupture.
En l’espèce, le salarié avait exercé un premier mandat de défenseur syndical entre avril 2018 et juillet 2020. De nouveau inscrit sur la liste des défenseurs syndicaux pour un nouveau mandat le 3 août 2020, il adressa dès le lendemain à sa direction une lettre par laquelle il prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. En septembre, il saisit le conseil de prud’hommes afin que les juges admettent que cette rupture produise les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
La Cour d’appel suivie par la Cour de cassation, rejette la demande de nullité et juge que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, les magistrats rappellent qu’à la date de notification de la prise d’acte, le salarié n’avait pas informé son employeur du renouvellement de son mandat. Certes, l’employeur avait reconnu avoir reçu, le 11 août, une lettre de la Dreets l’informant de ce renouvellement. Mais cette notification étant intervenue postérieurement à la rupture du 4 août, le salarié ne pouvait bénéficier de la protection attachée à son mandat.
En effet, la prise d’acte entraine la rupture du contrat de travail dès sa notification, donc au jour de l’envoi de la lettre à l’employeur. Dès lors, pour bénéficier du statut protecteur, le défenseur syndical aurait dû informer l’employeur du renouvellement de son mandat avant de prendre acte de la rupture, indépendamment du fait que l’employeur connaissait son mandat antérieur.
Licenciement pour faute grave : transmission des documents de fin de contrat dès la notification
(Cour de cassation, chambre sociale, 3 septembre 2025, n°24-16546)
L’employeur doit délivrer au salarié au moment de la rupture de son contrat de travail un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte, une attestation destinée à France Travail pour permettre au salarié de percevoir des allocations de chômage (articles L. 1234-19, L. 1234-20 et R. 1234-9 du code du travail).
La date de rupture du contrat correspond en principe à la fin du préavis, exécuté ou non dans le cadre d’un licenciement.
En l’espère, une salariée licenciée pour faute grave demande des dommages et intérêts suite à la délivrance tardive des documents de fin de contrat prévus par la loi.
La Cour d’appel ne fait pas droit à sa demande. Pour elle, l’employeur n’a pas commis de faute en transmettant les documents le 6 juin 2018 alors que le licenciement est intervenu le 9 avril 2018.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel. En cas de licenciement pour faute, licenciement pour lequel aucun préavis n’est effectué, la délivrance des documents de fin de contrat doit intervenir au moment de la notification du licenciement.
Entretien préalable : pas d’obligation d’informer le salarié de son droit au silence
(Conseil Constitutionnel, 19 septembre 2025, n°2025-1160/1161/1162 QPC)
La procédure disciplinaire répond à un formalisme légal strictement encadré par le code du travail. Lorsque l’employeur envisage de prononcer une sanction disciplinaire, il doit convoquer le salarié à un entretien préalable au cours duquel il va lui exposer les faits reprochés et recueillir ses explications. A l’issue de l’entretien préalable, l’employeur prendra sa décision et notifiera la sanction.
Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ont saisi le Conseil Constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité. La question était de savoir si le salarié ne devait pas, lors de l’entretien préalable, être informé de son droit de garder le silence, droit qui découle de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dans la mesure où ses propos peuvent être utilisés contre lui.
Selon le Conseil Constitutionnel, le droit de se taire n’est garanti que dans le cadre de sanctions de nature pénale ou assimilées à une punition. En revanche, les mesures prises par un employeur relèvent d’une relation de droit privé et ne traduisent pas l’exercice de prérogatives de puissance publique. Le licenciement ou toute autre sanction disciplinaire sont donc considérés uniquement comme des conséquences liées à l’exécution du contrat de travail, et non comme des sanctions ayant le caractère d’une punition au sens des exigences constitutionnelles.
En pratique, cela signifie que l’employeur n’a pas l’obligation d’informer le salarié, dans sa convocation ou lors de l’entretien préalable, de la possibilité de garder le silence. Cela ne prive cependant pas le salarié de la faculté de ne pas répondre aux questions s’il le souhaite. Il peut garder le silence.
