Par sa mission générale d’assurer une « expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production », le CSE est consulté sur différents projets (article. L. 2312-8 du code du travail). L’obligation de consultation est d’ordre public. Autrement dit, l’employeur ne peut se prévaloir d’un autre moyen pour éviter la consultation du CSE (Cass. Crim. 25 octobre 1988, n°86-94.961).
Cette expression collective nécessite que le CSE émette des avis. A travers cette consultation, le CSE partage les intérêts du personnel à l’employeur afin de l’accompagner dans son pouvoir de direction.
En général, le projet doit :
- avoir un impact sur la collectivité des salariés ;
- ne pas être un projet ponctuel ou provisoire ;
- entrer dans le champ de compétence du CSE.
En général, il s’agit d’un projet adopté par les instances dirigeantes de l’entreprise. Par principe, il ne doit pas encore être totalement arrêté : ses modalités doivent être encore à déterminer.
Ces consultations ponctuelles interviennent avant toute décision de l’employeur (article L. 2312-14 du code du travail). En conséquence, il s’agit d’une manifestation de volonté localisable dans le temps.
Lorsque l’employeur omet de consulter les membres du CSE sur un projet, ce dernier peut se voir condamné à des sanctions pénales notamment pour délit d’entrave (article L. 2317-1 du code du travail). Le projet peut également être remis en cause ou suspendu.
Ainsi, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le vendredi 16 octobre 2020, la suspension du rachat de Suez par Veolia suite à la saisine en référé des comités sociaux et économiques (CSE) du groupe Suez.
En l’espèce, les salariés du groupe Suez ont appris par communiqué de presse en date du 30 août 2020, « la première étape d’un projet global abouti ». Il est annoncé dans ce communiqué l’intention de la société Veolia de déposer une offre publique d’acquisition volontaire du solde des actions de Suez et la cession d’une partie des activités EAU (représentant 10 000 salariés) au fonds d’investissements Meridiam (groupe VEOLIA).
Ce projet entre dans le champ d’application de l’article L. 2312-8 du code du travail, dans lequel est prévu la consultation du CSE lors d’une modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise.
Cette notion d’«organisation économique de l’entreprise» est précisée dans la circulaire du 30 novembre 1984. Elle recouvre la création, la transformation, la fermeture d’un département, d’un service, d’une agence ou d’un établissement. Il peut s’agir également d’une modification importante dans l’organisation interne des différents départements ou services de l’entreprise. Ainsi, lorsque le changement dans l’organisation dépasse la simple modification de l’organigramme, le comité doit être consulté (Cass. Crim. 13 janvier 1998, n°96-81.478). Autrement dit, elle reprend « les hypothèses de fusion, cession, acquisition ou cession de filiales […], celles de scission, transformation du fonds ou dissolution ».
De plus, l’article 2313-42 précise que « lors du dépôt du projet d’offre », l’employeur de l’entreprise sur laquelle porte l’offre réunit immédiatement son CSE pour l’en informer.
L’entreprise SUEZ aurait dû informer et consulter les différents CSE dans le délai d’un mois.
En l’espèce la direction du groupe SUEZ n’a pas pu respecter son obligation légale d’information – consultation des CSE dans le délai d’un mois (article R2312-6 du code du travail), en raison du délai court imposé par le calendrier fixé dans le communiqué en date du 30 août 2020. Ce dernier posé un ultimatum au 1er septembre 2020 soit un délai d’une journée. De surcroît, la direction de SUEZ n’avait pas la capacité de fournir les informations nécessaires à la compréhension du sujet et de permettre aux instances représentatives du personnel de rendre un avis.
La consultation du CSE n’a de sens que si ce dernier est à même de rendre un avis éclairé. C’est la raison pour laquelle toute consultation doit être précédée de la communication d’une information suffisante, propre à faire naître une réflexion.
Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le CSE doit disposer d’informations précises et écrites transmises par l’employeur (article L. 2312-15 du code du travail). En effet, la procédure d’information et de consultation doit être engagée loyalement sur des documents précis et objectifs (article. L. 2312-46 du code du travail).
Compte tenu de tous ces obstacles, le tribunal judiciaire a estimé que l’absence de consultation constitue un trouble manifestement illicite. Les CSE de Suez ont pu obtenir la suspension du projet de rachat par Veolia.
Cette affaire rappelle l’importance de la consultation préalable du CSE sur tout projet ayant un impact collectif. Même si les CSE de Suez ne pourront pas s’opposer au projet de rachat, cette décision permet aux représentants du personnel d’être consultés conformément au cadre légal et de pouvoir se faire assister par des experts afin notamment d’apprécier l’impact du projet pour les salariés.