L’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) a récemment publié un guide sur le DUERP (Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels) afin d’intégrer une approche différenciée entre les femmes et les hommes. Ce guide propose une méthode structurée et des repères pratiques pour conduire l’évaluation.
L’objectif est de réaliser une analyse des risques la plus proche possible des réalités de terrain, afin de mettre en place des mesures de prévention adaptées à chacun, en tenant compte des différences d’exposition selon le sexe et des effets distincts que peuvent avoir certains risques.
D’après l’ANACT, de nombreuses recherches montrent que, dans les secteurs où les femmes sont majoritaires, certains risques sont souvent moins visibles et donc sous-estimés. En conséquence, ils sont aussi moins bien pris en compte dans les actions de prévention. Ces risques peuvent concerner aussi bien le plan physique (manutention, postures contraignantes, exposition à des produits chimiques ou à des agents biologiques, etc.) que sur le plan psychosocial (forte charge émotionnelle, interruptions répétées, faible marge de manœuvre, etc.).
Le guide s’articule autour de trois volets :
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Les différences de conditions de travail entre femmes et hommes, ainsi que leurs conséquences sur la santé
Les données statistiques en santé au travail révèlent des écarts marqués entre les femmes et les hommes.
Ainsi, dans une étude publiée en 2022 retraçant l’évolution de la sinistralité professionnelle en France entre 2001 et 2019, l’ANACT souligne que les accidents de travail diminuent de 27,2% chez les hommes, tandis qu’ils augmentent de 41,6% chez les femmes.
Par ailleurs, les troubles musculosquelettiques, épisodes dépressifs et eczémas allergiques touchent majoritairement des femmes, tandis que les cancers d’origine professionnelle concernent surtout les hommes.
La DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques) a publié un rapport en 2024, dans lequel on constate une forte augmentation du nombre d’arrêts maladie chez les femmes, et ce à tout âge. Cet écart d’absentéisme s’explique notamment par les arrêts de travail qui peuvent être prescrits durant la grossesse, ou en lien avec des pathologies féminines (endométriose, ménopause, cancer).
Dans une étude de la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques) publiée en 2023, on constate que dans les métiers à prédominance féminine, comme le soin, la propreté, l’enseignement, le commerce ou la restauration, les salariés font face à 7 des 8 principaux risques professionnels : pénibilité physique, manque de soutien, conflits de valeur, faible autonomie, exigences émotionnelles, instabilité du poste et contraintes organisationnelles. À l’inverse, dans les métiers masculins à dominance ouvrière, seulement 4 de ces risques sont présents : pénibilité physique, intensité du travail, manque de soutien et faible autonomie.
D’autres études établissent le constat suivant : les femmes et les hommes sont physiologiquement différents, sur le plan morphologique, organique, musculaire et hormonal.
L’ANACT constate également l’existence de facteurs sociétaux liés aux rapports sociaux de sexe, comme notamment les violences sexistes et sexuelles et la répartition des tâches domestiques et familiales.
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La méthodologie pour une évaluation différenciée des risques professionnels
L’ANACT rappelle que l’article L. 4121-3 du code du travail impose à l’employeur de procéder à une évaluation des risques professionnels en tenant compte de « l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ».
Pour recueillir des informations au plus près de la réalité, l’ANACT recommande de mettre en place des groupes de travail mixtes lors des analyses permettant d’élaborer le DUERP, afin de représenter fidèlement les situations vécues par chacun. La composition de ces groupes devrait idéalement refléter le ratio femmes/hommes dans l’entreprise ou l’unité de travail.
L’ANACT recommande d’y associer le référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes désigné par le CSE.
Il est recommandé de croiser les données démographiques (âge, ancienneté, mixité, entrées-sorties, catégorie professionnelle, etc.) avec les données de sinistralité (accidents du travail, maladies professionnelles, absentéisme, inaptitudes, etc.). L’objectif est d’identifier les services, unités ou catégories professionnelles où les indicateurs de santé, sécurité et conditions de travail sont les moins favorables. Ainsi, il sera possible de mettre en lumière des enjeux spécifiques de sinistralité selon le sexe, le poste, l’âge, l’ancienneté ou le statut.
L’ANACT recommande d’intégrer dans l’évaluation des risques six questionnements relatifs à :
- L’environnement physique de travail ;
- L’organisation du travail et des process ;
- L’organisation et l’articulation des temps de travail ;
- Les relations au travail et le management ;
- Les parcours professionnels et les compétences ;
- La santé reproductive.
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Des fiches pratiques pour analyser les expositions et impacts des risques selon le sexe
Dans son guide, l’ANACT propose de nombreuses fiches pratiques, comprenant 25 questions-clés pour vérifier la prise en compte de l’approche différenciée selon le sexe, 9 recommandations de prévention ainsi que des tableaux sur les éléments à interroger.
Parmi les recommandations principales, on retrouve la nécessité de produire des données sexuées en santé au travail. Le management de proximité doit être renforcé, en tenant compte des problématiques de santé des femmes au travail.
La prévention primaire doit être développée, notamment en matière de violences sexistes et sexuelles.
Les entreprises doivent être attentives aux facteurs de pénibilité dans les métiers à prédominance féminine, et développer des politiques permettant de concilier la vie professionnelle et la vie familiale (télétravail, souplesse des horaires, etc.).
Nous y répondons dans le cadre de notre assistance en relations du travail pour les CSE.
