Une mutation disciplinaire ne peut pas être imposée à un salarié protégé

(Cour de cassation, chambre sociale, 15 février 2023, n°21-20.572)

 En vertu de leur statut de salarié protégé, les salariés disposant d’un mandat de représentation du personnel ne peuvent se voir imposer aucune modification de leur contrat de travail et aucune modification de leurs conditions de travail, sans leur accord.

Dans cette affaire du 15 février dernier, un salarié s’était vu imposer une mesure de mutation, à la suite de la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire. Le salarié qui disposait d’un mandat de délégué du personnel a intenté une action en annulation de la mutation disciplinaire qui avait été prononcée à son encontre.

Les juges du fond n’ont pas fait droit à sa demande, car au moment de la demande d’annulation de la mesure disciplinaire, le salarié protégé avait malgré tout rejoint son nouveau poste de travail et ne justifiait d’aucun élément qui entacherait de nullité la décision de l’employeur, ni même d’aucun préjudice.

Les juges de la Haute Cour ont cassé l’arrêt d’appel en considérant qu’aucune modification du contrat de travail ou changement des conditions de travail ne peut être imposée à un salarié disposant d’un mandat de délégué du personnel. Par ailleurs, l’acceptation de la modification du contrat de travail ou des conditions de travail par le salarié protégé ne peut résulter de la simple poursuite de son contrat de travail ou de l’absence de protestation de ce dernier.

Ainsi, la Cour de cassation rappelle qu’il convient d’obtenir l’accord exprès du salarié protégé, notamment par la signature d’un avenant au contrat de travail. Il n’existe valablement pas de présomption d’acceptation d’une modification du contrat de travail ou des conditions de travail. Dans cette affaire, le salarié protégé avait malgré tout travaillé sur son nouveau site d’affectation, mais cela n’était pas suffisant pour caractériser l’acceptation de la mutation disciplinaire.

 

Action en justice des syndicats pour l’inexécution d’un accord collectif

(Cour de cassation, chambre sociale, 15 février 2023, n°21-22.030)

L’article L. 2262-11 du code du travail permet aux organisations syndicales d’agir en justice afin d’obtenir l’exécution des engagements contractés par l’employeur, et éventuellement des dommages-intérêts. En effet, l’inexécution d’un accord collectif cause nécessairement un préjudice aux syndicats et aux salariés.

Pour rappel, le CSE qui n’est ni partie à l’accord collectif ni signataire de ce dernier ne peut pas intenter une action visant à demander l’exécution d’un engagement contracté dans le cadre d’un accord collectif (Cour de cassation, chambre sociale, 2 mars 2011, n°10-13.547).

Dans une décision rendue le 15 février 2023, la Cour de cassation a rappelé que l’action en justice des organisations syndicales en vue de l’exécution d’un accord collectif est recevable, même si peu de salariés de l’entreprise sont concernés par l’inexécution de l’accord d’entreprise.

Dans cette affaire, la CGT avait conclu un accord avec une entreprise relatif au processus de concertation et aux mesures d’accompagnement des réorganisations de l’entreprise. La CGT a intenté une action en justice demandant l’exécution de cet accord d’entreprise et la condamnation aux fins de paiement de dommages-intérêts au titre de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession.

Les juges du fond déclarent leur action irrecevable, au motif que seuls quatre salariés sont concernés par l’inexécution de l’accord. Selon eux, cela n’est pas suffisant pour démontrer que l’ensemble de la profession représentée par le syndicat a subi un préjudice.

La Cour de cassation va casser et annuler l’arrêt d’appel. Selon la Haute Juridiction, l’action intentée par les organisations syndicales sur la base de l’article L. 2132-3 du code du travail est recevable du seul fait que l’action repose sur l’inexécution d’un accord collectif. En ce sens, cela cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, peu important que seuls quelques salariés de l’entreprise soient concernés par cette violation.

 

Les recherches de reclassement dans le groupe, en cas de licenciement économique, doivent être sérieuses

(Cour de cassation, chambre sociale, 15 février 2023, n°21-19.711)

Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, l’employeur doit tout mettre en œuvre pour rechercher un poste de reclassement afin d’éviter le licenciement économique. Ce n’est qu’en cas de réelle impossibilité de reclassement que le licenciement économique pourra avoir lieu. Nous rappelons que l’obligation de reclassement est une obligation de moyen, et non de résultat.

Le périmètre de l’obligation de reclassement concerne tous les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise, ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, conformément à l’article L. 1233-4 du code du travail.

Désormais, l’employeur n’est plus tenu de proposer des offres dans les sociétés du groupe situées à l’étranger.

Dans le cadre de sa recherche de postes de reclassement, l’employeur doit envoyer aux entreprises du groupe des informations suffisamment précises pour leur permettre d’apprécier si les emplois disponibles sont adaptés aux compétences et aux capacités des salariés dont les postes sont supprimés.

Lorsque l’employeur effectue cette démarche, il doit impérativement attendre la réponse des entreprises du groupe avant de procéder aux licenciements économiques.

Dans cette affaire, une salariée licenciée pour motif économique a contesté la cause réelle et sérieuse de son licenciement, et a considéré que l’employeur manquait à son obligation de loyauté dans la recherche de reclassement. La Cour d’appel lui donne raison.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel, et considère que l’employeur n’avait pas sollicité l’intégralité des filiales du groupe, et que le délai laissé aux entreprises du groupe pour répondre n’était que de 6 jours en plein mois d’août.

Par conséquent, l’employeur a manqué de loyauté dans son obligation de rechercher des postes de reclassement. Ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.