La jurisprudence considère qu’il y a abandon de poste lorsqu’un salarié quitte son poste de travail sans autorisation ou lorsqu’il ne revient plus à son travail sans avoir justifié de son absence auprès de son employeur.

Jusqu’à présent, un salarié qui abandonnait son poste pouvait se faire punir pour ce motif par une sanction disciplinaire. Toutefois, l’employeur ne pouvait pas y voir une démission implicite de son salarié puisque pour la Cour de cassation, la démission devait être « explicite ». Cela signifiait que la volonté du salarié démissionnaire devait être claire et non équivoque (cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2002, n° 00-45.566).

Mais la loi « marché du travail », publiée au JO du 22 décembre 2022 vient de remettre en cause cette règle jurisprudentielle. En effet, le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail vient de créer une présomption de démission pour le salarié qui abandonne volontairement son poste de travail et qui ne le reprend pas après que son employeur l’ait mis en demeure de le faire.

Selon les nouvelles dispositions du Code du travail, pour qu’un salarié soit présumé démissionnaire en cas d’abandon de poste, il faut respecter les étapes suivantes :

  • Une mise en demeure initiée par l’employeur

Selon l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, lorsqu’un employeur constate que l’un de ses salariés a abandonné son poste de travail, il devra le mettre en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, de reprendre son poste et de justifier son absence.

Dans la mise en demeure l’employeur doit indiquer le délai à partir duquel il considère le salarié comme démissionnaire.

Notons que le législateur laisse le champ libre à l’employeur de fixer le délai à partir duquel le salarié sera considéré comme démissionnaire. Toutefois, un décret qui paraitra prochainement, fixera tout de même un délai minimum à respecter afin que l’employeur n’abuse pas de la situation, en indiquant un délai trop court.

A l’expiration du délai, si le salarié n’a pas repris son poste de travail, il sera présumé démissionnaire.

  • Une saisine possible du conseil de prud’hommes par le salarié

Cette présomption de démission, n’étant pas une présomption irréfragable, le salarié pourra essayer de la « renverser ».  Pour cela, il pourra contester la rupture de son contrat de travail, sur le fondement de cette présomption, devant le conseil de prud’hommes.

L’affaire sera directement portée devant le bureau de jugement qui se prononcera sur la nature de la rupture (démission ou licenciement sans cause réelle et sérieuse) et les conséquences qui en découleront.

Pour convaincre les juges qu’il n’a pas démissionné, le salarié devra démontrer que son abandon de poste n’était pas volontaire et que son absence était justifiée.

Les conseillers prud’hommaux devront statuer au fond dans un délai d’un mois à compter de leur saisine.

A notre sens, ce court délai sera très dur à respecter pour les juges, notamment si de nombreux salariés contestent la rupture de leur contrat de travail.

 

Les lourdes conséquences de ce dispositif de lutte contre l’abandon de poste

Les conséquences de ce nouveau dispositif proposé par le législateur pour lutter contre les abandons de poste peuvent être lourdes, aussi bien pour le salarié que pour l’employeur.

En effet, si au terme de la procédure de mise en demeure ou de l’éventuelle action en justice du salarié, ce dernier est reconnu démissionnaire, alors il aura, aux yeux de la loi, perdu son emploi volontairement. De ce fait, tout comme la démission « explicite », il ne pourra prétendre à aucune indemnisation chômage (à moins qu’il ne rentre dans l’un des cas de démission légitime reconnu par Pôle Emploi).

Ce nouveau dispositif n’est pas non plus sans risques pour l’employeur. En effet, si le Conseil de prud’hommes ne retient pas la présomption de démission alors la rupture sera requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences financières qu’induit cette requalification. L’employeur devra donc s’assurer qu’aucun manquement ne peut lui être reproché avant d’enclencher la nouvelle procédure de l’abandon de poste.

L’entrée en vigueur de cette procédure de présomption de démission suite à un abandon de poste est subordonnée à la publication d’un décret d’application.

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