(Cour de cassation, chambre sociale, 4 octobre 2023, n°22-12.922)
Contrairement à un salarié ordinaire, le salarié détenteur d’un mandat électif bénéficie d’une protection pendant l’exécution de son contrat de travail. Cette protection implique qu’aucune modification du contrat de travail ou des conditions de travail d’un salarié protégé ne peut lui être imposée. En cas de modification d’un paramètre, même léger, du contrat d’un représentant du personnel, il faut nécessairement que l’employeur obtienne son accord préalable.
Mais à partir de quel moment considère-t-on qu’un salarié protégé bénéficie de son statut protecteur ? C’est à cette question que la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 4 octobre 2023.
En l’espèce, une salariée est convoquée le 28 novembre 2016, à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Postérieurement à cet entretien, le 12 décembre 2016, elle a fait savoir à son employeur qu’elle se portait candidate aux élections professionnelles, en qualité de suppléante. Le 28 décembre 2016, son employeur lui notifie sa sanction : une mutation disciplinaire. En 2017, suite de la perte d’un marché de l’entreprise, la salariée a été réintégrée sur le site où elle travaillait initialement.
Après plusieurs absences injustifiées, la salariée est licenciée pour faute grave. Parallèlement, la salariée saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
Les juges du fond font droit à la demande de la salariée et prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail. L’employeur se pourvoit en cassation en invoquant le fait que la salariée ne bénéficiait pas du statut protecteur accordé aux candidats aux élections professionnelles puisque sa candidature était postérieure à l’envoi de la convocation à l’entretien préalable.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt de la cour d’appel en rappelant qu’aucune modification de son contrat de travail ou de changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. Par conséquent, en cas de refus par ce dernier de cette modification, l’employeur doit, soit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures, soit engager la procédure spéciale de licenciement réservée aux salariés protégés, en saisissant l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licenciement.
Or, en l’espèce, l’employeur a eu connaissance de la candidature de la salariée aux élections professionnelles, avant qu’il lui notifie sa sanction de mutation disciplinaire. Dès lors, l’employeur ne pouvait lui imposer une modification de ses conditions de travail sans son accord, quand bien même la candidature de la salariée était postérieure à sa convocation à l’entretien préalable à sanction disciplinaire.
Ainsi, pour les juges, en cas de modification du contrat de travail ou de changement des conditions de travail, l’employeur devra prendre en considération le statut protecteur du salarié qui se porte candidat, à la condition qu’il pose sa candidature avant la notification de sa sanction. C’est donc la date de notification de la sanction qui modifie le contrat ou les conditions de travail du salarié qu’il faut prendre en considération et non la date de convocation à l’entretien préalable.
A noter toutefois, que si l’employeur avait choisi de licencier sa salariée au lieu de lui imposer un changement de ses conditions de travail, la décision des juges aurait été différente. En effet, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises (Cour de cassation, chambre sociale, 28 janvier 2009, n°08-41.633) que c’est au moment de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement que l’employeur doit avoir connaissance de la candidature du salarié aux élections professionnelles. Par conséquent, si l’employeur engage la procédure de licenciement avant d’avoir connaissance de la candidature de son salarié, même si ce dernier est finalement élu, il ne pourra pas bénéficier de son statut protecteur pour la procédure en cours.
Dans notre espèce, puisque la salariée ne s’était pas encore portée candidate au moment de l’envoi de sa convocation à l’entretien préalable, elle ne bénéficiait pas du statut protecteur. Son employeur aurait donc pu la licencier sans demander l’autorisation à l’inspecteur du travail.
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