Par deux décisions du 11 mai 2022 (n°21-15.247 et n°21-14.490), la Cour de cassation met fin à une longue saga judiciaire et tranche enfin la question de la licéité du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

  • Un barème controversé, qui a fait couler beaucoup d’encre

Dès son entrée en vigueur, l’article L. 1235-3 du code du travail qui encadre le barème « Macron » a fait l’objet de nombreuses polémiques, divisant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel.

Nombreux sont les juges à avoir résisté et refusé d’appliquer ce barème, au motif qu’il était contraire à la convention n°158 de l’OIT et à la Charte Sociale Européenne (cour d’appel de Paris, 22 novembre 2018, n°18/00964).

La convention n°158 de l’OIT prévoit qu’en cas de licenciement injustifié, il revient aux juges d’ordonner le versement d’une indemnité adéquate, ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

La Charte Sociale Européenne, quant à elle, rappelle aussi ce droit à une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable.

De nombreux juges n’ont donc pas admis la conventionnalité du barème « Macron », au motif que l’article L. 1235-3 du code du travail ne permet pas aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse de bénéficier d’un droit à réparation adéquate et appropriée.

Le 17 juillet 2019, la Cour de cassation a rendu un avis en formation plénière, qui conclut à la compatibilité du barème avec les textes internationaux (n°19-70.010). Si cet avis a pu permettre d’y voir plus clair, de nombreux juges ont continué de ne pas l’appliquer ; l’avis de la Cour de cassation ne s’imposant pas aux conseils de prud’hommes et aux cours d’appel.

Suite à cet avis, certaines positions ont évolué et ont commencé à admettre certaines exceptions. C’est le cas notamment de la Cour d’appel de Reims (25 septembre 2019, n°19/0003), qui reconnait la conventionnalité du barème d’indemnisation, mais autorise les juges à écarter son application s’ils estiment que le barème ne permet pas d’assurer une réparation adéquate et appropriée du cas d’espèce.

  • La Haute Juridiction met fin aux débats

Sans grande surprise et dans la lignée de l’avis qu’elle a rendu en 2019, la Cour de cassation admet la conformité du barème à la convention n°158 de l’OIT. Selon elle, l’article L. 1235-3 du code du travail permet le versement d’une indemnité suffisamment dissuasive pour les employeurs et permet une indemnisation raisonnable du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation va affirmer que l’article 24 de la Charte Sociale Européenne n’a pas d’effet direct : cela signifie qu’elle ne peut pas être invoquée par un particulier devant les juges nationaux.

Elle rappelle également que seul le Comité Européen des Droits sociaux peut contrôler le respect par les Etats membres de cette Charte, bien que ses décisions ne soient pas contraignantes en droit français (cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2022, n°21-15.247).

Enfin, elle rejette également la possibilité pour les juges d’écarter, au cas par cas, l’application du barème « Macron », notamment lorsqu’ils estiment que ce dernier ne permet pas une réparation adéquate et appropriée du préjudice subi.

Selon elle, cela serait susceptible de créer une incertitude vis-à-vis de cette règle de droit et porterait atteinte à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme, qui garantit le principe d’égalité entre les citoyens devant la loi (cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2022, n°21-14.490).

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