Avant le décret n°2023-275 du 17 avril 2023, l’abandon de poste ne pouvait pas permettre à l’employeur de considérer qu’un salarié était démissionnaire. En effet, la règle de principe était la suivante : la démission ne se présume pas.
Un abandon de poste ne pouvait donc en aucun cas caractériser une volonté non équivoque de démissionner. Cela constituait néanmoins une faute que l’employeur pouvait sanctionner par un licenciement pour faute simple ou pour faute grave.
Avec la nouvelle législation applicable depuis avril 2023, l’employeur peut prendre acte de la démission d’un salarié lorsque celui-ci commet un abandon de poste. L’article L.1237-1-1 du code du travail prévoit désormais que la démission se présume dès lors que plusieurs conditions sont réunies.
La première condition tient au fait que le salarié doit avoir quitté son poste. Dans un deuxième temps, l’employeur doit lui avoir adressé une mise en demeure, par courrier recommandé ou remis en main propre contre décharge. Ce courrier met en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre le travail dans un délai dont la durée minimale est fixée à 15 jours (article R. 1237-13 du code du travail).
Enfin, si le salarié ne reprend pas le travail sans motif légitime, il sera présumé démissionnaire. A ce titre, le salarié est tenu d’exécuter son préavis, sauf si l’employeur l’en dispense.
A l’issue du préavis, exécuté ou non, l’employeur doit mettre à la disposition du salarié les documents de fin de contrat, à savoir le certificat de travail, le solde de tout compte et l’attestation d’assurance-chômage. Dans cette dernière, il sera bien précisé que la rupture du contrat de travail résulte d’une démission.
Plusieurs organisations syndicales ont saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation du décret n°2023-275 du 17 avril 2023 et de la Foire Aux Questions publiée par le Ministère du travail le 18 avril 2023.
Les syndicats reprochent notamment à la loi du 21 décembre 2022, qui a créé la présomption de démission en cas d’abandon de poste, et au décret d’application du 17 avril 2023, de ne pas faire bénéficier aux salariés des garanties prévues par la Convention internationale du droit du travail n°158.
Le Conseil d’Etat va écarter cet argument, et rappelle que cette Convention ne couvre que la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur. En l’espèce, même si c’est l’employeur qui initie la procédure par l’envoi du courrier de mise en demeure, c’est le salarié qui initie réellement la rupture du contrat de travail par son absence injustifiée.
Le Conseil d’Etat va rappeler que le décret n’a pas vocation à s’appliquer dès lors que le salarié justifie d’un motif d’absence légitime. Il peut s’agir notamment d’une raison médicale, de l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, du refus d’exécuter une instruction contraire à la règlementation, etc.
De plus, le Conseil d’Etat souligne que la loi impose à l’employeur l’envoi d’une mise en demeure claire et non équivoque. L’employeur doit bien s’assurer du caractère volontaire de l’abandon de poste, et doit présenter au salarié les conséquences de ce dernier.
En outre, si les syndicats estiment que le délai laissé au salarié pour réintégrer son poste de travail est trop court, le Conseil d’Etat estime que ce délai est suffisant.
Enfin, les organisations syndicales demandaient l’annulation du Questions-Réponses du Ministère du travail car ce dernier laissait entendre que l’employeur pouvait choisir entre l’assimilation à une démission et le licenciement pour faute. Le Conseil d’Etat ne va pas se prononcer sur la question car une mise à jour du Questions-Réponses a eu lieu peu de temps après, et elle ne fait plus apparaitre cette possibilité.
Ainsi, le Conseil d’Etat maintient en intégralité la nouvelle législation relative à l’abandon de poste.
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